dimanche 21 décembre 2014

Pratique des enlèvements au Maghreb


Remarque. 
La prise d'otages constitue un phénomène inquiètant de l'actualité. Son histoire à travers les âges
 a fait l'objet en 2012 du numéro 90 de la revue internationale d'histoire militaire, sous la direction du professeur Jean-Nicolas Corvisier.  Il contient l'article ci-joint de Maurice Faivre

LA PRATIQUE DES ENLEVEMENTS AU MAGHREB

I. LES INCURSIONS MUSULMANES DU 8ème AU 19ème SIÈCLE

En Afrique noire, du 7° au 19° siècle
La disparition d’otages pendant la guerre d’Algérie n’est pas une innovation des insurgés du FLN. Elle a été précédée d’une pratique séculaire des enlèvements et de l’esclavage, lequel est règlementé par le Coran. Cette tradition remonte au tribut imposé au roi de Nubie en 652 par le général Abdallah ben Saïd, d’avoir à livrer chaque année 360 esclaves originaires du Darfour. A côté de ce mode de « contrainte diplomatique », les autres moyens de recrutement sont la conquête, l’achat et la reproduction. Le transfert des esclaves se poursuit du 8ème au 18ème siècle par le Sahara ; il concerne des millions de Noirs considérés comme des sous-hommes, réduits au stade animal selon l’observation d’Ibn Khaldoun. Ils sont capturés en général avec la complicité des potentats africains du Mali et du Songhay, du Bénin, des Ashantis (Ghana), et des Etats Haoussa (Bornou, Kanem ). A la fin du 10ème siècle, les Zirides de Tunisie, qui contrôlent le Fezzan, ont une garde noire de 20.000 hommes, le Ghana conquis en 1076 procure une ressource d’esclaves aux Almoravides, l’arabisation de la Mauritanie au 15ème siècle favorise la traite, le sultan du Maroc conquiert Tombouctou et Gao et dispose au 17ème siècle d’une armée de 150.000 mercenaires. Plus tard, l’émir Abd el Kader est protégé par une garde de 30 cavaliers noirs.
L’Américain R.A. Austen a proposé en 1979 le bilan suivant de la traite saharienne :

550-800
800-900
900-1100
1100-1400
150.000
300.000
1.740.000
1.650.000
1400-1500
1500-1600
1600-1700
430.000
550.000
710.000
Total


5.530.000

Cette évaluation ne fait pas le partage entre les régions destinataires. Il est probable qu’au moins les deux tiers passent par l’Egypte et la Lybie, pays exportateurs. Au 18éme siècle, le Maroc reçoit 8.000 esclaves par an, et sans doute 4.000 au 19ème siècle. Algérie et Tunisie sont un peu à l’écart du trafic, elles ne comptent respectivement que 18.000 et 30.000 esclaves noirs vers 1850.
En direction de l’Afrique du Nord, plusieurs routes sont établies à partir du Niger. La traversée du désert dure 2 à 3 mois, dans des conditions inhumaines ; la maladie ou la pénurie d’eau entraîne l’abandon des captifs. Des marchands ambulants appelés Djellabas, installés à Ghadamès ou dans le Touat disposent d’antennes à Gao ou à Kano, qui livrent aux dirigeants du Maroc, d’Alger et de Tunis des esclaves-soldats, des porteurs, des ouvriers agricoles ou miniers, des domestiques, des mulatresses et des eunuques pour les harems. On sait que la castration des eunuques, interdite par le Coran, était pratiquée dans les oasis du sud et se traduisait, selon certaines sources, par la mort de 80% des enfants capturés. La vente des captifs est pratiquée ensuite sur les marchés de Marrakech, Médéa, Biskra, et Kairouan. Le tarif moyen est de 12 esclaves ou un eunuque pour un cheval.
A ce trafic méridional, il faut ajouter les luttes tribales qui en Algérie se traduisent par des enlèvements de femmes et d’enfants ; Bugeaud n’est pas en effet l’inventeur des razzias, mais il exige parfois la livraison d’otages pour garantir la soumission d’une tribu.


En Europe, du 8° au 10° siècle 
L’invasion berbero-musulmane de l’Espagne en 711 se poursuit par l’occupation du Languedoc en 720 et du massif des Maures en 890. La conquête de ces territoires est précédée et suivie de raids de reconnaissance à cheval, de débarquements nocturnes et d’incursions dont le but est de faire du butin. Des opérations de va et vient rançonnent la Provence au début du 8ème siècle, elles s’aventurent dans les Alpes et en Italie. Les Sarrasins sont les maîtres de la Suisse et du Lyonnais pendant quelques années du 10ème siècle0. Des combats sanglants les opposent aux Séquanes et aux Allobroges. Se déplaçant avec femmes et troupeaux, ils établissent leur camp à Calluire, et de là ravagent toutes les villes jusqu’à Auxerre ; ils sont alors repoussés par l’archevêque de Sens.
Une fois installés, ils maintiennent les lois existantes, mais imposent un tribut annuel, le Kharrad, équivalant au dizième ou au cinquième du revenu. Des opérations d’été (sa’ifa) razzient les campagnes, détruisent les églises et les abbayes, et font des captifs. Souvent les hommes sont tués (à Gènes et Syracuse), les femmes et les enfants emmenés en esclavage ; 2.000 femmes sont les hôtesses du harem de Cordoue, et des écoles de captives convertissent les jeunes filles à la nouvelle religion. Parallèlement, des esclavons provenant de Russie sont émasculés à Verdun avant d’être livrés aux acheteurs de Cordoue.
Le pape Jean VIII promet en 878 le versement de milliers de pièces d’or. L’abbé de Cluny (Mayeul), capturé près de Rome en 972, est délivré grâce au versement d’une lourde rançon. On sait que ces opérations ont provoqué la panique sur les côtes méditerranéennes et suscité la construction de tours de défense ; 4.000 familles corses sont invitées en 829 à se réfugier à Rome. Les chansons de geste de Guillaume d’Orange font état de cette grande peur. La riposte européenne est conduite dès 732 par Charles Martel, qui reprend Avignon en 737, Narbonne en 759, et qui fait de la Franche-Comté une Marche contre les incursions sarrasines1. Les atrocités redoublent à l’approche de Charles Martel et de Childebrand. Les Arabo-musulmans sont finalement battus en raison des luttes internes entre Arabes et Berbères, et par manque de foi. Quelques familles se réfugient dans la forêt ou les marécages et font souche ; nombreux sont les localités ou les fermes qui conservent le nom de Sarrazin.

La piraterie, du 16° au 19° siècle
La reconquête espagnole ne met pas fin à ces incursions, mais elle s’accompagne, (comme l’a montré le professeur Toth) de l’intervention des corsaires ottomans en Méditerranée vers 1480, suivis des pirates barbaresques conduits par les frères Barberousse et par les Hornacheros réfugiés à Tanger. De Tripoli à Djerba et à Salé, les ports s’organisent pour la course. Kheir ed Dine bénéficie de la bienveillance de François 1er qui accueille à Marseille et Toulon 200 de ses navires ; des raids sont lancés sur Nice, Antibes (300 orphelins), la Corse et l’Italie. La piraterie se poursuit : les pirates de Salé saisissent 1.000 navires occidentaux au 16° siècle ; les équipages et les passagers remplissent les bagnes d’Alger, Tunis, Tripoli et Salé. On estime à 1,250 million le nombre des captifs détenus entre 1530 et 1780. Relativement bien traités sont ceux qui ont des métiers d’artisans, de locataires des harems2, des espoirs de rançon ou de conversion à l’islam, mais de nombreux galériens subissent les horreurs de la chiourme. Les esclaves chrétiens sont rachetés par les Trinitaires, les Mercédaires et les Lazaristes, tandis que les marines françaises, espagnoles et normandes lancent des bombardements de représailles contre les villes portuaires3. Après avoir libéré les esclaves musulmans détenus à Malte, Bonaparte en 1802 renouvelle la menace d’invasion de l’Algérie, et la flotte américaine intervient à Derna en 1804.. La prise d’Alger met fin à la piraterie, et le président Théodore Roosevelt reconnaîtra le grand service rendu à l’humanité par la France en 1830. Il ne reste alors que 122 captifs dans le bagne d’Alger.
Le dey de Tunis sera le premier en 1846 à décider, sans succès, l’abolition de l’esclavage, suivi par l’Algérie en 1848 et le Maroc en 1922.

II. LES DISPARUS DE LA GUERRE D’ALGERIE

Avant le 19 mars 1962
Au début de la guerre d’Algérie, le FLN est un mouvement minoritaire qui ne dispose que de 450 armes de guerre. Il a cependant l’initiative sur le terrain, il reçoit de l’armement du Moyen-Orient et s’attaque d’abord à des objectifs non protégés ; en 1955, 230 fermes et 40 écoles sont détruites. Ces destructions sont accompagnées de nombreux meurtres de civils français et d’environ 5 à 7 enlèvements par mois ; il est probable que la plupart des personnes enlevées ont été tués ; leurs corps n’ont pas été retrouvés. Dans le même temps une proportion équivalente de soldats français sont faits prisonniers dans les combats. Un communiqué du FLN (13 septembre 1957) précise que les prisonniers sont des otages, ils seront exécutés chaque fois qu’un fedayne (terroriste) sera exécuté . Certains prisonniers sont utilisés comme moyens de propagande auprès de leur famille. 42 prisonniers seront libérés par l’intermédiaire de la Croix-Rouge4 : 11 en 1958, 19 en 1959, 3 en 1961, 9 en 1962. Au total, 343 civils et plus de 300 militaires ont disparu de 1954 au 19 mars 1962 ; ils sont présumés décédés. Le décompte des musulmans disparus est beaucoup plus important ; il va de 1.000 à 2.000 par an de 1956 à 1960, sans que l’on puisse préciser les raisons des disparitions (certains ont pu quitter l’Algérie ou rallier la rébellion).

Après le 19 mars 1962
On sait qu’au début de l’année 1961, des activistes de l’armée et de la population européenne se sont opposés à la politique d’abandon du général de Gaulle. Le putsch des 4 généraux a échoué, mais l’Organisation Armée secrète (OAS) poursuit la résistance. Un mois après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, on assiste vers le 17 avril à une recrudescence des enlèvements de civils européens, qui monte de 150 à près de 600 par mois. Le FLN, estimant que l’effort de la France contre l’OAS est insuffisant, aurait ordonné d’éliminer les partisans de l’OAS. Cette explication n’est que partiellement exacte. Il est vrai que la majorité de la population française a espéré que la résistance de l’OAS conduirait le gouvernement français à maintenir le statu quo. Mais à partir du 26 mars, date de la fusillade de la rue d’Isly contre des manifestants pacifiques, les Français de souche se détachent peu à peu de l’OAS. Le FLN poursuit cependant sa guerre, fidèle à son slogan « la valise ou le cercueil », mais pour ne pas porter atteinte aux accords d’Evian, il évite les attentats mortels ; les enlèvements sont ainsi une sorte de terrorisme silencieux. Le colonel Azzedine , responsable de la Zone autonome d’Alger (ZAA), reconnaît que « l’exode massif des Européens est dû aux enlèvements » (Et Alger ne brûla pas, p.217)
Cette campagne est perpétrée par des commandos de l’ALN, fortement retranchés dans les quartiers musulmans d'Oran et d'Alger où l'armée française a reçu l'ordre de ne plus pénétrer. Dans cette besogne, la Zone autonome d'Alger (ZAA) va se distinguer. Chaque soir, la ZAA met en chasse des voitures chargées des enlèvements, tandis que la wilaya 4 du colonel Hassan (Khatib Youssef) ordonne d'enlever 7 à 8 Européens dans chaque localité du bled. Environ un tiers des enlevés sont retrouvés, tous sont torturés dans des prisons clandestines et les deux tiers tués après interrogatoire ; certains sont vidés de leur sang. Cette campagne n'atteint pas les membres de l'OAS au centre des villes, mais elle touche les Français qui, sans distinction d'âge ou de sexe, résident dans les quartiers périphériques où les communautés cohabitent .
. Quatre charniers, baptisés tombes collectives par Azzedine, sont découverts dans la banlieue d'Alger. Le Comité des Affaires algériennes du 23 mai décide qu'il appartient au président Farès de faire en sorte que Si Azzedine cesse son action ou soit appréhendé. Cela reste un voeu pieux, mais les deux bataillons (2/23°RIMA et 12° BI) qui ont découvert les charniers sont déplacés. Selon le Conseil des ministres du 4 mai, en effet, l'intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des pieds noirs (A.Peyrefitte, C'était de Gaulle, p.124). Azzedine poursuit donc son action; il coopére avec la Mission Choc du Commissaire Hacq, avec les barbouzes du Talion, et avec les policiers ATO (auxiliaires temporaires occasionnels) recrutés par le FLN.
La psychose de terreur qui se répand est énorme et à cet égard, le but recherché est atteint. En faisant disparaître des Européens, on intimide la population pied-noire, on la pousse à l'exode. Les témoignages, les archives militaires et privées laissent penser que la population européenne fut indistinctement visée. Tout Européen passant dans les zones contrôlées par le FLN courrait le risque d’être enlevé. Du 17 avril au 1er juillet, le département d’Alger subit 404 enlèvements, celui d’Oran 237, l’ensemble des autres département 213. Selon Jean Monneret, témoin et historien, ce sont les attentats et les enlèvements qui ont facilité la purification ethnique.

L'anarchie de l'été 1962.
Les rivalités internes au FLN produisent dans toute l'Algérie une situation anarchique dans laquelle quatre pouvoirs (le GPRA, le Bureau politique de Ben Bella, les Wilayas et l’Exécutif provisoire) se font concurrence, qui ne sont pas toujours reconnus par les responsables locaux. Cette anarchie facilite tous les excès, ceux des wilayas, ceux des marsiens qui se sont ralliés tardivement, ceux des truands qui profitent du désordre. Le prétexte invoqué est toujours celui de la lutte contre l'OAS, alors que les commandos Delta ont quitté l'Algérie à la fin juin.
Les massacres du 5 juillet 1962 à Oran amplifient le cycle des violences. A onze heures, après des coups de feu dont l’origine n’est pas établie, la foule qui descend des faubourgs enlève des centaines d’Européens. Bien qu’il dispose de 18.000 hommes, le général Katz impose la consigne à la garnison d’Oran, ce qui facilite les disparitions; certaines unités militaires ne respectent pas la consigne (Rabah Kheliff) ; les autres n’interviennent qu’aux abords de leurs cantonnements ; l'engagement tardif des gendarmes mobiles ne peut empêcher ces enlèvements. Certains musulmans protègent leurs amis, mais des centaines d’Oranais disparaissent à tout jamais (environ 700).
Les enlèvements se poursuivent en août et septembre et diminuent ensuite. Mais les attentats contre les personnes se sont poursuivis après la prise de pouvoir de Ben Bella le 25 septembre 1962. 295 disparitions sont signalées de janvier à août 1963.
Le bilan des pertes met en tête les départements d’Alger et d’Oran, qui sont les plus peuplées d’Européens; le schéma par région montre ainsi que les wilayas 4 et 5 sont les plus virulentes. Ordre est donné en août à l'armée française d'aller chercher les Français isolés, de les ramener sains et saufs à la côte et de les embarquer (JM.Jeanneney, op.cit., p.164).

Les harkis, otages ou victimes ?
Les supplétifs massacrés en 1962 et privés ensuite de tout droit, ne sont pas des otages, mais des victimes de la politique française qui les maintient en Algérie, et surtout de la volonté d’élimination du FLN, dont ils contredisent le thème de l’unanimité du peuple algérien.
Quant aux harkis recueillis en métropole, ils n’ont certes pas bénéficié de conditions de confort correctes, mais les considérer comme détenus dans des bagnes de la honte est une contre-vérité, répandue actuellement par des filles de harkis qui rapportent les souvenirs de leur mère. Le terme d’otages ne leur convient pas comme le prouvent les déclarations de Mohand Hamoumou et de l’anthropologue Khemisti Bouneb 5.

Recherche des disparus.
- intervention armée interdite, sauf légitime défense ou attaque caractérisée (décision du Comité des Affaires algériennes du 21 juin 1962),
- familles restées sur place, arnaquées par des escrocs,
- consuls de France, gendarmerie, informations nombreuses, incomplètes
- associations : surestimations, faux espoirs,
- CICR, suite à rencontre col.Gonard - Ben Bella., 20 enquêteurs d’avril à septembre 1963, 1.200 enquêtes, 70% décédés, 20% présumés décédés. Rapport resté secret 40 ans.
- J. de Broglie le 7 novembre 1963 : pas plus de 1.800 Français disparus.
  • équipe MIR (2004-2006) dans archives diplomatiques, 3.781 fiches, 2.230 civils décédés dont 535 incertains,
  • vérification historien Jordi 2010 : 1.828 décédés dont 175 incertains et 72 corps retrouvés.
  • selon l'étude de Jean-Claude Rosso du 1er mars 2014 , 1619 civils et 415 militaires ont disparu du 1er novembre 1954 au 31 décembre 1962, dont avant le 19 mars 1962 : 371 civils et 327 militaires.
- Les archives concernant les militaires disparus ne sont pas ouvertes..

CONCLUSION

La pratique des enlèvements d’otages, dans l’Afrique du Nord, répond à plusieurs objectifs diversifiés : imposer un tribut à un potentat africain – obtenir un profit sous la forme d’une rançon, d’un emploi de soldat, d’artisan, de galérien ou de personnel des harems – exercer des représailles contre une exécution - terroriser une population pour la faire fuir. Dans la même ligne, on peut se demander si l’enlèvement des cisterciens de Tibhirine ne répond pas à une motivation de purification religieuse.

Bibliographie.
- M.Reinaud. Invasion des Sarrasins en France, et de France en Savoie, Piémont et Suisse. Librairie orientale de Paris ,Paris 1836
- Vingtrinier Aimé. L’invasion des Sarrazins dans le Lyonnais. Praxis-Lacour 1862
- Sausgruber L. Die Sarazenen von Spanien bis nach Vorarlberg. 1921
- Charles-Roux François. France et Afrique avant 1830. Alcan, 1932
- Lacam Jean. Les Sarrazins dans le Haut-Moyen-Age français.
Maisonneuve et Larose 1965
- Braudel Fernand. La Méditerranée et le monde occidental à l’époque de Philippe II 
                            A.Colin 1979
- Renault François et Daget Serge. Les traites négrières en Afrique. Karthala 1985
- Julien Charles-André. Histoire de l’Afrique du Nord des origines à 1830.
                                           Payot 1994
  • Mantran Robert. L’expansion musulmane. PUF 1969, réed.1995
  • Dufourcq Charles-Emmanuel. La vie quotidienne dans l’Europe médiévale sous domination arabe. Hachette 1978
  • Yelen Anne. Islam, la face d’ombre. Ma nuscrit 1984
  • Heers Jacques. Les Barbaresques, la course et la guerre en Méditerranée.
  • Les négriers en terre d’Islam. Perrin 2001 et 2004
  • Davis Robert C. Christian slaves, Muslim masters. Macmillan 2003.
  • Chambon 2006
  • Monneret Jean. La phase finale de la guerre d’Algérie. L’Harmattan 2003
  • Rouby René. Otage d’Amirouche, la mémoire retrouvée. Lavauzelle 2004.
  • Lewis René. Islam. Gallimard, 2005
  • Faivre Maurice. Rapport sur les disparus de la guerre d’Algérie. Novembre 2006
  • Chebel Malek. L’esclavage en terre d’Islam. Fayard, 2007
  • Milton Gilles. Captifs en Berbérie. Payot 2008
  • N’Diaye Tidiane. Le génocide voilé. Gallimard 2008
  • Lugan Bernard. Histoire de l’Afrique. Ellipses 2009
  • Botte Roger. Esclavage et abolition en terre d’Islam. Bruxelles 2010
  • Mathias Gregor.Les vampires à Alger, Oran, Tlemcen. Etudes coloniales, mars 2011.
  • JC Rosso. Disparus civils et militaires. Message du 4 mars 2014.

    Notes
0 selon les historiens suisses, ils auraient atteint Coire et le Vorarlberg, et auraient été chassés en 972 du Grand Saint Bernard, où ils avaient établi un péage, par Bernard de Menthon.
1 Pline l’Ancien situe les Sarrasins en Arabie du Nord ; ce sont des pasteurs, supposés descendre d’Ismaël, fils d’Abraham et de sa servante Agar ; ils désignent au Moyen Age les envahisseurs arabes. Le terme de Maure sera utilisé pour les Almoravides qui interviennent en Espagne, venant du Sud-Marocain, en 1086.
2 Pour la petite histoire, il est plaisant d’évoquer les aventures de certaines captives qui eurent une destinée de sultane. C’est le cas de Marthe Franceschini, la sultane corse, enlevée en mer par des pirates marocains en 1792 et offerte au sultan Moulay Slimane qui en fit son épouse. A la même époque, la fille d’un gentilhomme, colon de Martinique, Aimée du Bac de Rivery, enlevée par des Algériens vers 1790, fut offerte par le dey Baba Mohammed au sultan de Constantinople Abd-ul-Hamid, dont elle devint la favorite et sultane Validée (c’est-à-dire douairière). Elle lui donna un enfant qui en 1809 devint le sultan Mahamoud II.
3 Pour le Roi de France, il s’agit de faire sentir la force de ses armes à un barbare, en l’attaquant dans son propre pays. C’est ce que Bossuet confirme, dans son oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse : « Alger, riche des dépouilles de la Chrétienté…tu cèderas ou tu tomberas sous ce vainqueur…Tu rends déjà tes esclaves. Louis a brisé le fer dont tu accablais tes sujets… ».
4. Lettre de René Rouby, prisonnier d ‘Amirouche, à sa famille, : « J’ai toujours été bien nourri et bien traité. Ils sont gentils avec moi » (7 février 1959).
Ferhat Abbas ayant demandé à adhérer aux Conventions de Genève , le Président du CICR lui écrit le 28 mai 1958 et le 16 novembre 1960 que les conditions imposées, en particulier pour la visite des prisonniers par la Croix-Rouge, ne sont pas respectées par le GPRA. Le Croissant rouge algérien, consulté, s’estime impuissant en raison de l’absence de liaisons avec les wilayas sur le terrain.
5  Pour avoir vécu personnellement avec mes parents harkis dans différents camps, je pense qu’il y a eu une très grande exagération à propos de ces milieux fermés... Parmi les dirigeants de ces camps, souvent d’anciens militaires pieds noirs ou français de souche, il y avait des gens formidables et dévoués qui ont eu envers les harkis et leurs familles des conduites tout à fait remarquables…Certes les camps n’étaient pas des hôtels 3 étoiles ni des  « clubs méd. ». Ils étaient constitués de baraquements rudimentaires et il y régnait une discipline stricte, mais ils répondaient aux exigences du moment à savoir la prise en charge globale des familles rapatriées dans l’urgence. Malheureusement les camps n’ont que trop perduré (plus de 20 ans pour certains) et les harkis et leurs familles ont été tout bonnement «oubliés ».

lundi 13 octobre 2014

Rappels chronologiques sur l'histoire des harkis

Rappels chronologiques sur l'histoire des harkis

La lecture de l'histoire des harkis sur le Web, et les ouvrages récents, imposent de préciser certains faits d'histoire qui sont ignorés ou présentés de façon erronée1. Ils sont rappelés ici de façon succincte ; chacun peut faire l'objet de développements explicatifs.
- de 1954 à 1956, des organisations diversifiées de forces supplétives ont été créées sous l'impulsion de J.Servier, J. Vaujour, du général Parlange et du Gouverneur Soustelle, puis du général Lorillot et du bachaga Boualem.
- à la fin de 1957 et au début de 1958, le général Salan attribue des armes de guerre à des harkas dites amalgamées (environ 20.000 hommes) ; il refuse la création de harkas autonomes.
- fin 58 et début 59, le général Challe obtient de porter les effectifs de 33.000 à 60.000 harkis, crée des commandos de chasse à base de harkis et envisage de fédérer autodéfenses et unités territoriales ; à Paris le capitaine Montaner met sur pied la Force de police auxiliaire. En mai 1959 sont créés des Quartiers de pacification confiés à des SAS renforcées.
- le 5 janvier 1961, le général Crépin privilégie l'avenir des harkis et promet qu'ils ne seront pas abandonnés ; le total de 120.000 supplétifs armés est atteint, mais des réductions d'effectifs sont alors programmées. Au total 3.270 supplétifs ont été tués au combat ou par attentat.
- le 23 mars, le général de Gaulle subordonne l'aide de la France à la liberté des « musulmans fidèles » (sic). En mai-juin, Bernard Tricot et les diplomates se préoccupent de leur protection.
- les décrets du 30 mars, 31 octobre et 6 novembre 1961 assimilent les services supplétifs au service militaire et en règlementent l'administration ( contrats renouvelables de 1 à 6 mois). Les SAS sont démilitarisées et transformées en Centres d'aide administrative en janvier 1962.
- en novembre 1961 à Bâle, le FLN promet qu'il n'y aura pas de représailles.
- le 10 mars 1962, le ministre Messmer propose trois solutions d'avenir ; des centres d'accueil sont créés en Algérie ; l'ordre de désarmer les harkis est prescrit le 13 mars.
- un arrêté du 30 mars institue la force locale, dite Force de l'ordre. 114 GMS, 114 unités d'appelés musulmans et 110 pelotons de gendarmerie y sont affectés. Elle comprend 37.000 hommes, encadrés par 456 officiers et 800 sous-officiers français, 229 et 2.166 cadres musulmans. En juillet, 113 unités passent à l'ALN, emportant 25.300 armes de guerre et 590 véhicules. Tous les GMS ne se rallient pas au FLN.
- le 11 avril, le ministre Louis Joxe privilégie le maintien en Algérie du maximum de supplétifs ; le 19 avril, il rejette le plan Massenet de rapatriement. La grande majorité des supplétifs fait confiance au gouvernement et rejoint son village. Les wilayas promettent le pardon mais planifient la condamnation des supplétifs.
- les massacres de harkis commencent le 19 mars et redoublent de violence en juillet ; l'estimation de 150.000 tués (contrôleur de Saint-Salvy) est jugée fausse par l'historien X.Yacono ; plusieurs historiens font un bilan de 60 à 80.000 morts, mais leur estimation n'est pas vérifiable.
- le 12 mai les ministres Joxe et Messmer condamnent les initiatives de rapatriement.
- le 26 mai, Messmer accepte d'ouvrir le camp du Larzac « pour trois mois » (et Bourg Lastic le 19 juin), le service civil des rapatriés étant chargé de l'accueil. 11.000 personnes y sont installées en juillet.
- le 21 juin, le Comité des Affaires algériennes s'oppose aux initiatives d'intervention, ce qui revient à une non-assistance aux personnes menacées. Priorité est donnée à l'accueil des rapatriés européens.
- le 3 août, un conseil restreint de gouvernement confie à l'armée l'hébergement et le reclassement des supplétifs rapatriés. Cette décision tardive explique les improvisations de 1962, qui ont peu à peu été corrigées. D'autre solutions que des camps militaires auraient pu être choisies (centre mobilisateurs). Les rapatriés musulmans doivent faire une déclaration recognitive de nationalité ; les crédits d'aide individuelle sont attribués au financement des camps de transit.
- le 19 septembre 1962, le premier ministre Pompidou prescrit d'assurer le transfert des supplétifs menacés et d'accélérer leur recasement en France.
- les rapatriés de Larzac et Bourg-Lastic sont transférés en octobre à Rivesaltes et St Maurice l'Ardoise, où transitent 22.000 et 10.000 rapatriés musulmans. Ils sont logés dans des tentes avant que des baraquements ne soient construits. Le général de Segonzac et le préfet Perony prescrivent la formation professionnelle des hommes, ménagère des femmes, scolaire des enfants. La surveillance des camps, destinée éviter la pénétration de militants politiques, est nécessaire mais insuffisante. Le Comité national des Musulmans Français est créé en mars 1963 sous la direction de M.Parodi.
- les camps dits de transit sont fermés à la fin de 1964 et les rapatriés sont dispersés dans les départements industriels ou dans les hameaux forestiers (72 hameaux en 1966 avec 9.815 personnes, 30 hameaux en 1975 avec 5.200 personnes, 5 à 9 hameaux en 1985 avec 134 familles soit 800 personnes).
- les rapatriés incasables pour cause d'inaptitude sont hébergés dans les centres d'accueil de Bias (créé en janvier 1963), et St Maurice l'Ardoise créé en 1965.
- en 1972, le rapport de l'ethnologue Servier fait état de la surnatalité, des retards scolaires et des conflits de génération. La sénatrice Anne Heinis rapporte le grand dévouement des monitrices. Le lieutenant Yvan Durand se distingue dans le sud-est (Ongles, Mouans-Sartoux et Sallerans)
- au total, 21.100 supplétifs ont été rapatriés (66.000 avec les familles) selon le rapport au gouvernement de février 2006. La relégation prolongée dans des « réserves d'indiens » est une légende non fondée (voir tableau des effectifs). Les 42 cités urbaines créées par la Sonacotra ou la SNCF ne sont pas des prisons, mais des logements type HLM où résident 26 % de harkis ; des assistantes sociales y sont mises en place pour faciliter l'adaptation des familles à la société française. En 1975, il ne reste que 640 personnes à Bias (1.852 personnes sont sorties du centre) et 204 en 1992. Ce sont ces reliquats qui se révoltent en 1975 et 1990, révoltes fomentées de l'extérieur, qui aboutissent à la décision de fermeture des centres d'accueil et des hameaux forestiers en 1976.
- des Services d'accueil se sont succédé de 1962 à 1981 (SFIM, ONASEC, BIAC, DNAS). Parallèlement, de nombreux rapports d'enquête se sont préoccupés de l'intégration des harkis (Prioux et le CES en 1963, Barbeau en 1973, Leveau-Meliani en 1991, Rossignol en 1994, Diefenbacher en 2003, l'IGAS en 2005, la MIR en 2006). Le ministre Hernu met en place en 1985 des appelés éducateurs et aides à l'emploi. Les ministres Santini et Cabana consentent un effort financier appréciable ; en 1994, le plan Romani favorise l'acquisition de la résidence principale. Un statut des victimes de la captivité et une aide aux veuves sont adoptés. De nouveaux avantages sociaux sont accordés par madame Aubry
- le 21 février 1963, le colonel suisse Gonard, vice-président du CICR, rencontre Ben Bella ; il obtient la libération de 300 harkis ; il lance une enquête sur 1.200 disparus ; d'avril à septembre 1963, 20 délégués du CICR, en marge de cette enquête, visitent 2.500 harkis emprisonnés. Leur rapport, resté secret jusqu'en 2003, conclut que 70 % à 90 % des disparus sont décédés. 500 harkis sont libérés en décembre 1965.
- le 9 décembre 1990, le gouvernement socialiste rend hommage aux harkis aux Invalides et diffuse le timbre « Hommage aux harkis soldats de la France ».
le 11 novembre 1996 le Président Chirac inaugure le monument du Chapeau Rouge ; en 2001 il institue la journée d'hommage aux harkis du 25 septembre ; il reconnaît que « la France n'a pas su sauver ses enfants ».
- la loi algérienne 99-07 du 5 avril 1999 retire les droits civiques et politiques des personnes ayant eu des positions contraires aux intérêts de la patrie.
- le 16 juin 2000, le président Bouteflika compare  les supplétifs aux collabos de la 2ème guerre mondiale (déclaration à FR2),
- le 28 septembre 2003, un décret fixe au 5 décembre la journée d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie.
- le 23 février 2005, est votée la loi reconnaissant les souffrances et les sacrifices des combattants des forces supplétives.
- le 8 septembre 2005, le président Bouteflika déclare à l'AFP à Oran : "nous avons commis des erreurs à l'encontre des familles et des proches des harkis...Nous avons suscité en eux un sentiment de haine et de rancune".
- le 25 septembre 2013, l'ONAC a présenté aux Invalides une exposition sur « le parcours des harkis et de leur famille ».


Pièces jointes.
Témoignages ( Med. Harbi, Officiers, Bouderbala, A.Heinis, M.Hamoumou, K.Bouneb, Temps modernes nov.2011, Colloque de nov. 2013).
Chronologie des archives Messmer
Rapport Massenet
Courbes des effectifs
Situation des effectifs sortis de Bias (15 décembre 1966)

TEMOIGNAGES

Mohammed Harbi

La motivation sécuritaire est fondée sur les exactions et les injustices imposées par le FLN, et que Mohamed Harbi a rappelé : « les méthodes répressives et les injustices du FLN apparaissent comme les motifs principaux de l'engagement massif des harkis ». Il semble bien que la majorité des supplétifs s'est engagée pour protéger leur famille et maintenir la paix dans les villages.
Mohamed Harbi a montré également l'existence en Algérie de forces sociales indifférentes à l'idée de nation; la population des campagnes était davantage attachée au clan et à la famille qu'à la notion d'indépendance. L'idée nationale a pu inspirer des responsables élus, ou des évolués touchés par la propagande du FLN, tels que Youcef du Commando Georges ; elle ne touchait pas la majorité rurale des harkis. Mohammed Harbi confirme que « le nationalisme algérien n'a trouvé son unité qu'en 1962 ».
Certains harkis rencontrés à la prison de Lambèse avaient été retournés. Il faut donc éviter de traiter les harkis de traîtres et de collabos (Temps modernes de novembre 2011)

Le jugement des officiers

En février 1958, les Commandants de Corps d'armée et de Divisions, unanimes à reconnaître les services rendus par les harkas, estiment nécessaire leur accroissement...Instrument indispensable de la pacification, les harkas sont la préfiguration de la participation effective de la masse musulmane à la lutte contre la subversion.
Le général Parlange écrit : «Très vite, nous fûmes frappés par la valeur combattive de ces hommes courageux ; ils se montrèrent aussi capables d'attaquer et de pourchasser vigoureusement les rebelles que de défendre leurs propres familles et leurs biens.
Alors on décida de les armer plus fortement et de les encadrer. Les premiers résultats obtenus furent convaincants, le contact fut repris avec des populations jusque là abandonnées à elles-mêmbes, les exactions rebelles se raréfièrent, la sécurité locale s'améliora...la confiance et l'espoir renaissaient.
Quant à la combativité des premiers harkis, on put en juger sur le fait qu'ils perdirent en quatre ans la moitié de leurs effectifs».
Jugeant les GMPR, le gouverneur Soustelle estime que « chacun a eu son histoire, souvent tragique, souvent héroïque....Ces Arabes, ces Berbères ne haissaient pas la France, ils se sont battus et souvent sont morts pour elle à côté de leurs camarades de métropole »
« Les musulmans sont les meilleurs chasseurs de fellagas...ils sont ardents et sûrs dans la mesure où ils sont bien commandés », affirme le général Challe.
Le général Olié, qui en 1956 s'était appuyé sur les djemaas pour lancer la formation de supplétifs en Kabylie, estime en 1959 les harkis du Constantinois" ardents au combat, faciles à commander...Souvent amalgamés, ils ont pris conscience de leur rôle sur le plan opérationnel ". Le général Vézinet confirme que les harkis "éléments solides, sont déterminés au combat contre le FLN qui est leur ennemi personnel"(2 T94).
Les harkis constituent un important appoint, estime le général Massu, dont la qualité et la valeur opérationnelle conditionnent l'emploi...leur loyalisme dépend de notre attitude et de notre constance. Le général Crépin souligne l'aptitude des commandos à poursuivre les rebelles dispersés en terrain difficile...Le harki est pour lui l'auxiliaire direct du combattant régulier, grâce à sa rusticité, sa connaissance de l'adversaire, ses liens avec la population.
Pour le général Gouraud à Constantine, « les harkis sont bien adaptés aux unités...leur fidélité est éprouvée, ils sont attachés à leur chef direct...inquiets de l'avenir, et soucieux du sort de leur famille ». Selon le général de Pouilly à Oran, les musulmans donnent satisfaction, ils sont sensibles à l'absence de toute discrimination raciste, et à la fraternité réalisée.
Le général Crémière, qui dans le Secteur de Bordj-bou-Arreridj disposait de 1600 harkis, les classa en trois catégories: Fortement armée, la première comptait une dizaine de harkas constituée par les hommes d'une même tribu, voire d'une même famille...D'un niveau opérationnel remarquable, il n'était pas rare de les associer aux opérations de Secteur. La 2ème catégorie concernait des harkas encadrées par quelques militaires français...elles participaient aux opérations de fouille et de bouclage. On en comptait une vingtaine. La 3ème catégorie s'apparentait plutôt à des autodéfenses renforcées. Ces harkas constituaient pour nous la première et irremplaçable source de renseignements.
« Les harkas n'étaient pas des unités d'assaut, écrit le général François Meyer, chef du commando Griffon dans le Sud-Oranais. Mais elles constituaient une infanterie légère, rustique, sobre et résistante, connaissant bien son terrain, la langue et les usages de sa région, et excellente dès lors qu'il s'agissait d'observer et de détecter le moindre mouvement insolite, de débusquer et de poursuivre l'adversaire...Sait-on combien de fois, des troupe régulières, et même réputées, tombées comme d'autres en embuscade, n'ont retrouvé leurs agresseurs et repris leurs armes que grâce à l'engagement de harkis, guetteurs, pisteurs ou interprètes ».Selon le colonal Quinart, le commando Griffon « tient un rôle des premier plan dans l'activité opérationnelle du Secteur de Géryville....Les djounoud sont rattrapés et abattus, l'armement perdu récupéré.
Autres supplétifs spécialisés dans le renseignement, les éclaireurs spéciaux du colonel Lemonnier travaillent au profit du colonel Ruat du CCI. Composés en partie de ralliés, ils utilisent toutes les ruses de guerre pour pénétrer les réseaux ennemis. Cette tâche ingrate du renseignement est suspectée de toutes les perversités ; l'usage de la torture est exclu. Les interrogatoires se déroulent sans précipitation ni brutalité.
Les harkas, selon le colonel Geminel, commandant le Quartier des Portes de Fer, faisaient partie intégrante du dispositif militaire du Quartier....Plusieurs étaient commandées par les maires des villages, telle la harka adaptée au commando de chasse V64, et dont le chef était le maire d'Harraza, dit "le Lion de la montagne". Les harkas menaient souvent des opérations indépendantes, de jour et de nuit, sous l'autorité de leurs chefs, en général pour recueillir des renseignements auprès des populations...Elles participaient au combat des compagnies, à l'intérieur des sous-quartiers. A chaque opération mettant en jeu le bataillon complet...elles étaient souvent intégrées aux compagnies, pour remplacer les effectifs qui devaient être laissés à la garde des postes...
Les auxiliaires de la X° Légion de gendarmerie « constituent un appoint appréciable grâce à leur connaissance du pays, des gens et de la langue ».
Le capitaine Ontrup rappelle que la SAS de Catinat « décida d'armer 18 femmes, qui devinrent vite des tireurs chevronnés...le couronnement fut une sortie à 5 km en zone interdite..Par la suite les femmes participèrent à quelques protections de convoi...Traitées de sâles Françaises, elles devenaient les informatrices les plus sûres pour la SAS et le 2ème Bureau ».
Le général Bienfait évoque la première SAS créée à Ain Taier. « Il faut d'abord mettre sur pied un maghzen. Ce groupe de supplétifs va très vite devenir un unité de combat digne des traditions de l'armée d'Afrique. Trois d'entre eux seront tués au combat, onze seront blessés et 18 citations attribuées à ces montagnards qui n'avaient demandé qu'à vivre en paix ».
Le général Communal, commandant la zone ouest oranaise, reconnaît les mérites du commando Yatagan de la DBFM. «  Toujours prêt toujours sur le terrain, infatigable, poursuivant inlassablement les rebelles, il a fait preuve d'une activité débordante, d'un mordant exceptionnel» .

Tahar Bouderbala. Les dures années du plan Challe

Texte de Daho Djerbal (historien) : La période du plan Challe et des opérations de ratissage demeure une des plus grandes épreuves qu'aît connue l'ALN mais aussi l'ensemble de ses réseaux de soutien et de ses forces auxiliaires...Comme dans toute révolution, l'enjeu central est le contrôle exercé sur le peuple. Parallèlement au plan Challe, dont l'objectif apparent était militaire, le plan de Constantine avait été lancé pour tenter de gagner les populations à une logique d'intégration économique et sociale...Les dirigeants des maquis voyaient bien que l'objectif final était de couper les unités de l'ALN des masses rurales qui constituaient leurs bases stratégiques, à les isoler pour pouvoir mieux les détruire....
Daho Djerbal : Avec le temps, l'étau de l'armée coloniale s'est mis à se desserrer. Mais les temps avaient changé et il fallait compter avec les unités de goumiers auxiliaires de l'armée française qui voyaient leurs rangs grossir.
Bouderbala (Commandant ALN, wilaya 2) : Avec le temps, nous dûmes faire face en plus aux harkas qui connaissaient nos moeurs et notre mentalité. Ils arrivaient à démonter nos réseaux de soutien et retrouver nos relais. Ils montaient même contre nous des embuscades la nuit tombée. C'était des harkas recrutées sur place. Elles connaissaient le terrain aussi bien que nous. Ce n'était pas comme auparavant des unités d'autres régions affectées pour servir dans le Nord-Constantinois. A Katina on trouvait même des femmes dans les unités de harkas. Lorsque de Gaulle était venu faire sa "tournée des popotes", ce sont ces harkas avec des femmes en tenue militaire qui l'accueillirent..
Djerbal : Avec ce retournement de la situation, les rapports hiérarchiques entre base et sommet ont été gravement perturbés. L'effet du rouleau compresseur de la nouvelle stratégie contre-insurrectionnelle a laissé de profondes blessures dans les rangs de l'ALN. Selon les dires des responsables du Nord-Constantinois, plus de la moitié des effectifs a été perdue. Les populations, elles aussi, ont du payer un lourd tribut.

Le sénateur Heinis
L'austérité commune partagée aura pour effet de créer dans bien des cas, écrit Madame Heinis, des liens de solidarité très étroite entre les harkis et ceux (les cadres) qui s'occupent d'eux...La bonne volonté éducatrice de certaines monitrices est débordante; elles veulent tout enseigner d'un seul coup (p. 90-96).
Dans sa thèse de 1977, madame Heinis décompte comme suit l'équipement des familles dans les hameaux forestiers et les cités immobilières : 82 % ont un réfrigérateur, 69 % la télévision, 71 % une machine à laver, 41% une voiture et 25 % une mobylette.

Mohand Hamoumou
Hamoumou confirme : J'ai connu un de ces hameaux...Les avis sont unanimes : les cours de français, de puériculture, de cuisine pour les épouses, les discussions des hommes avec le chef de camp, ont été très utiles. Tous en gardent un excellent souvenir. Peut-être parce que, de ce hameau, tous sont partis quelques semestres après .
En 1990, Mohand Hamoumou relate la réussite de 1.100 harkis dispersés dans des villages du Puy de Dôme.


Khemisiti Bouneb
- L'anthropologue Khemisti Bouneb a relaté les difficultés de l'installation : « Pour avoir vécu personnellement avec mes parents harkis dans différents camps, je pense qu'il y a eu une très grande exagération à propos de ces milieux fermés. Les chefs et les monitrices n'étaient pas des monstres ou des sadiques comme le prétendent certains ! Beaucoup ont accompli leur mission correctement.
« Parmi les dirigeants de ces camps, souvent d'anciens militaires pieds-noirs ou français de souche, il y avait des gens formidables et dévoués qui ont eu envers les harkis et leurs familles des conduites tout à fait remarquables.
« Certes ces camps n'étaient pas des hôtels trois étoiles ni des Club Med. Ils étaient constitués de baraquements rudimentaires et il y régnait une discipline stricte, mais ils répondaient aux exigences du moment, à savoir la prise en charge globale de familles rapatriées dans l'urgence. »
Bouteflika
En juin 2000, le Président algérien compare les harkis aux collaborateurs. Comparaison non pertinente selon Mohammed Harbi.
Le 2 septembre 2005, Boutef. reconnaît que de graves erreurs ont été commises en 1962 vis-à-vis des familles de harkis qui ont été massacrées. Les enfants de harkis ne sont pas responsables des actes de leurs parents.

Temps modernes de nov. décembre 2011
Claude Lanzmann regrette sa posture partisane d'autrefois, et parfois son aveuglement, quand il traitait les harkis de « chiens de l'humaniste Papon ».
Benjamin Stora reconnaît le rôle initiateur de Jean Servier et souligne que la terreur pratiquée par le FLN à Melouza a entraîné une contre-terreur. Sacrifiés par peur de l'OAS, ce qui reste à prouver, les harkis ont été écrasés par les Algériens en 1962.
Mohammed Harbi estime que l'identité du lignage ou de la confrérie était beaucoup plus forte que l'identité nationale des Algériens.
Mohand Hamoumou rend hommage à André Wormser qui s'est dévoué pour l'intégration des harkis. « Victimes de la raison d'Etat, ils ont des droits sur nous ». Les travaux historiques montrent que les harkis n'étaient pas opposés à l'indépendance de l'Algérie ; ils n'étaient pas les collaborateurs du colonialisme. Le régime de parti unique et la réécriture de l'histoire ont trahi les idéaux de la Révolution algérienne .
Colloque de novembre 2013.
La Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie a organisé les 29 et 30 novembre 2013 un colloque très complet sur l'histoire des supplétifs depuis 1830 à nos jours. Les Actes de ce colloque méritent la lecture.


RAPPORT MASSENET
du 10 avril 1962

La Commission interministérielle présidée par le Conseiller d'Etat Michel Massenet se réfère à la déclaration du ministre des Armées Messmer du 21 février 1962 :
« Le recasement en métropole des personnels libérés de leur contrat sera organisé...
Les décisions à prendre concernent l'emploi, la formation professionnelle et le logement »
La commission comprend des représentants des ministères de l'Intérieur, des Armées, des Affaires algériennes, des Rapatriés et du Commandant supérieur en Algérie.
Elle évalue les effectifs concernés à 26.000 engagés volontaires, 45.000 supplétifs et 18.000 moghaznis et souligne que 98 % des supplétifs sont illettrés.
Les questions à traiter sont les suivantes :
des mesures de protection en Algérie, par regroupement dans des zones temporaires de sécurité,
la liberté de circulation, alors que des autorités préfectorales s'y opposent,
le transport par voie maritime, à raison de 8 à 10.000 personnes par semaine,
l'accueil en métropole, où les moyens disponibles sont dérisoires, exige la création de cités de transit et le recours à des camps militaires,
l'aide sociale requiert un encadrement d'anciens SAS et de renforts des CAT, et pose un sérieux problème de sécurité,
des reclassements sont possibles dans l'agriculture, dont l'ONF, et dans l'industrie, ce qui nécessite une préformation confiée aux militaires,
le logement définitif pose un problème ardu; une phase transitoire est souhaitable dans des cités évolutives, où la proportion des musulmans serait de 10 %.

En conclusion, la commission souligne la gravité et l'urgence du problème ; c'est une question de vie et de mort, qui doit être réglée dans les 60 jours à venir. La protection assurée est illusoire ; il n'y a pas de crédits pour le transport et le logement. Il faut des moyens budgétaires et un statut de réfugiés. Le Secrétariat d'Etat aux rapatriés n'y est pas préparé.
X
Commentaire

Ce rapport relativement pessimiste montre bien la difficulté du recasement des supplétifs. Bien qu'il ait été rejeté par le gouvernement le 19 avril, il proposait des solutions qui seront reprises en Algérie et en métropole en 1962. Il est évident que l'adaptation à la vie française (emploi salarié, habitat moderne, condition féminine, sécurité sociale et matérielle, laïcité) de ruraux illettrés, exigeait une période de formation par des personnels connaissant leur culture et leur mentalité. Il est vrai qu'une grande partie des hommes comprenait le français, mais pas les femmes ni les enfants, habitués à la vie dans des mechtas rudimentaires. Des périodes de transit pour la majorité, et des centres d'accueil pour les incasables étaient des solutions raisonnables. Les directives du général de Segonzac et du préfet Perony répondaient à ces besoins. Les décisions tardives du gouvernement ont imposé une improvisation regrettable. Les travaux forestiers étaient adaptés aux capacités des supplétifs ; l'erreur initiale a été de les implanter loin des localités françaises.
Voir les avis de Bouneb et Hamoumou.

EFFECTIF DES HARKIS RAPATRIES

- de juin à septembre 1962, environ 6.000 et 5.000 supplétifs avec leurs familles, sont hébergés dans les camps militaires de Larzac et Bourg-Lastic.

- en octobre 1962, des camps de transit sont ouverts à Rivesaltes (9.620 rapatriés), St Maurice l'Ardoise ( 4.800 rapatriés) et la Rye (200 rapatriés).

- en mars-avril 1963, ces camps hébergent 7.300 , 3.000 et 700 rapatriés. Ils sont fermés en décembre 1964.

- des camps d'accueil pour incasables sont ouverte à Bias en mars 1963 ( 1.300 personnes) et à St Maurice l'Ardoise en janvier 1965.

- en 1965-66, ces camps hébergent 834 et 800 personnes. 1.852 rapatriés sont sortis de Bias.
En 1975, ces camps d'accueil hébergent 640 et 800 personnes. Ils sont fermés à la fin de l'année.

- en octobre 1962 ont été ouverts 40 hameaux forestiers, ils comptent 3.968 personnes en avril 1963. En 1975, 72 hameaux hébergent 9.815 personnes ; en 1975, 30 hameaux hébergent 5.200 personnes ; en 1975, 30 hameaux comptent 5.200 personnes, et en 1985 il reste 800 personnes dans 9 hameaux.

Le total des supplétifs rapatriés passe de 21.000 fin 1962 à 40.000 en 1963, 66.000 en 1965,
180.000 en 1975, 210.000 en 1985 et 400.000 en 1990.

Ces chiffres sont des ordres de grandeur qui sont à préciser. Ils montrent qu'en 1965, les résidents des camps de transit ont été dispersés dans les départements, qu'en 1975, 4 % des supplétifs sont encore encadrés par des militaires, et qu'en 1985, cette proportion est de 1 %.







lundi 28 juillet 2014

Le Rwanda et la France (mai 2014)

Ce rappel historique a été rédigé avec le concours du général Lafourcade et du colonel Hogard.
Maurice Faivre, le 10 mai 2014

Le Rwanda et la France. Chronologie sommaire.

- 1898 à 1962. Le Ruanda-Urundi est une colonie allemande dont le mandat est confié à la Belgique en 1923.
Soutien de la majorité hutue (84%) au détriment des Tutsis.
Tutelle de l'Onu en 1946 - Séparation en deux Etats en 1961, indépendance en 1962 et retrait de l'armée belge.
Le Rwanda, pays des 1000 collines, compte 7,9 millions d'habitants sur 26.338 km2 (la Belgique 30.500 km2).
Massacre de Tutsis par les Hutus en 1959. 120.000 Tutsis se réfugient en Ouganda.
- en 1962, rencontre de Gaulle avec président Kayaibanda - accords de coopération - mission d'aide en 1969.
- en 1973, le général-major Habyarimanana prend le pouvoir,
- en 1975, accord d'assistance militaire pour la gendarmerie avec Giscard d'Estaing,
- 20 juin 1990, discours Mitterrand à la Baule, pour la démocratie et le développement.
- en octobre 1990, offensive du Front patriotique (FPR créé en 1987) depuis l'Ouganda, dirigée par général Paul Kagamé (formé aux USA).
Appel du Président Habyarimana - Opération Noroît ( 2 puis 1 Cie du 8° RPIMA- 680h) dirigée par col. Thomann, évacue 313 ressortissants.
Malgré les tensions, la France se maintient et forme les FAR.
- 1992. Nouveaux massacres. Assistance militaire élargie à toute l'armée. Mise en place d'un DAMI (détachement d'assistance militaire).
- février 1993. Opération Volcan évacue 67 ressortissants.
- En mars. Opération Chimère ou Birunga (1er RPIMA, 70 h. sous col. Tauzin) bloque le FPR à la frontière de l'Ouganda
- en août 1993, accords d'Arusha sous l'impulsion de la France, en faveur du multipartisme. Retrait des soldats français.
Mise en place de 2300 h. de Minuar sous général canadien Romeo Dallaire.
- 6 avril 1994. Avion des deux Présidents abattu par un missile.
- 7 avril. Intervention du FPR depuis l'Ouganda et à Kigali. Minuar réduite à 200h. Gouvernement interimaire constitué.
Génocide (4 mois) 800.000 Tutsis et Hutus modérés, dénoncé par A.Juppé. Madame Albrecht refuse l'intervention ONU.
Opération Amaryllis (500 h. du 3°RPIMA, sous colonel Poncet), évacue 1400 ressortissants du 8 au 14 avril.
- 22 juin à 22 août 1994. Opération Turquoise ( 2500 h. Légion, 6° RG, RICM + appuis et 500 Africains) sous général Lafourcade,Zone humanitaire sûre permet de sauver des milliers de civils et d'éviter un exode massif des populations au Zaïre.
- 1994, retour théorique au multipartisme
- de novembre 1994 à 2010, le Tribunal pénal international (TPIR) prononce 40 condamnations et 6 acquittements.
- 1995 à 1997. Régime de terreur de Kagamé. Massacre de 400.000 Hutus, pillages au Zaïre (RDC).
- 1998. invasion du Zaïre par Kagame causant des millions de victimes.
- décembre 1998. Rapport parlementaire de Paul Quilès,
- 2006. Enquête du juge Bruguière concluant à la responsabilité de Kagame dans l'attentat.
Rupture des relations diplomatiques. La langue anglaise remplace le français.
- 2009. Réconciliation Kagamé- Guéant.
- avril 2014. Attaque virulente de Kagamé. Négations françaises. Annulation du déplacement de Taubira à Kigali (Kouchner remplace Taubira).

La crise franco-rouandaise de 2014

Arguments des accusateurs :
- rapport Mucyo (2008) accuse les soldats français d'assassinats, de viols et de formation de milices.
- Kagamé en avril 2014 : rôle direct de la France et de la Belgique dans la préparation et la participation au génocide,
- B. Kouchner : tout a été préparé avec le consentement de nos troupes.
- Patrick de Saint-Exupery, Mediapart, BHL, EELV.
Formation et soutien des FAR et du gouvernement intérimaire par la France.
Politique secrète de Mitterrand, Vedrine, Juppé, Lanxade et Thenoz, qui accusent le FPR d'agression extérieure.
Livraison d'armes aux génocidaires et transfert d'argent à la BNP.
Amaryllis reste l'arme au pied. Exfiltration au Zaïre de génocidaires. 1000 Tutsis non secourus par Turquoise à Bisesero.

Critiques nuancées :
- Giscard le 7 juillet 1994 : qu'est-ce qu'on va faire face aux Tutsis?
- Sarkozy en 2010 reconnaît des fautes politiques,
- général Tauzin, politique incohérente et sans continuité. Intervention trop tardive face au génocide.
- capitaine Guillaume Ancel, retraité, prétend en avril 2014 que le but de Turquoise n'était pas humanitaire,
mais agressif contre Kagamé.
- Le rapport Quilès (1998) expose de façon détaillée et convaincante toute l'affaire du Rwanda. Il justifie les opérations militaires,tout en reconnaissant une erreur de jugement politique face au gouvernement rwandais.

Mises au point d'avril 2014.

- Alain Juppé dénonce la falsification de l'histoire par Kagamé et affirme que tout a été fait pour la réconciliation.
Les seules zones d'ombre concernent les responsables de l'attentat contre l'avion présidentiel.
- Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, réfute toute complicité de génocide.
Il n'y a pas eu d'engagement direct dans la lutte pour le pouvoir. Le rapport Quilès a clos le débat.
- Le général Lafourcade rappelle que l'armée s'est retirée en 1993 après 3 ans d'assistance aux FAR.
Lors de Turquoise, l'intelligence de la situation imposait une attitude impartiale :
ne pas soutenir les FAR et ne pas attaquer le FPR.
Les responsables du génocide se sont repliés au Zaïre avant notre arrivée.
Des dossiers judiciaires ont été établis contre les "seconds couteaux".
Le bilan humanitaire a été salué par les médias et par l'opinion internationale.
Eprouvés par l'horreur des massacres, nos soldats ont été fiers d'avoir sauvé la population.
- Le colonel Hogard confirme le déclenchement de l'offensive FPR dans la nuit du 6 au 7 avril 1994,
sous la responsabilité de Kagamé, qui n'a cependant pas affronté nos unités.
Les exilés tutsis accusent Kagamé. Les anglo-saxons ne le soutiennent plus.
Pour Bisesero, je ne peux dire qu'une seule chose de certaine : j'étais auprès du colonel Rosier (patron du Gpt COS)lorsqu'il a appris par un CR radio oral, le 30 juin de mémoire, la découverte des survivants tutsis de cette localité.
Je l'ai vu aussitôt réagir comme l'aurait fait tout officier français digne de ce nom : il s'est rendu immédiatement sur place en hélicoptère, tout en lançant sans attendre l'organisation des secours venant de Goma et de Bukavu.
Laisser dire qu'il aurait pu couvrir une ignoble « opération de retardement » visant à faire massacrer en toute impunité quelques centaines de malheureux Tutsis supplémentaires est tout simplement indigne et faux.
Il suffit d'ailleurs de rencontrer une seule fois le général Rosier dans sa vie pour s'en convaincre sans difficulté !

- Hubert Vedrine, qui a joué un éminent rôle diplomatique, souligne que l'armement livré à l'armée rwandaise était destiné à la défense du pays contre la menace ougandaise et qu'il n'a pas servi au génocide.
Mitterrand favorable à la paix, a arbitré le différend entre Juppé et Léotard en faveur de l'intervention française.
- Bernard Lugan, expert auprès du tribunal international, souligne que le missile SA7 qui a abattu l'avion présidentiel provient d'un stock livré par les Russes à l'Ouganda, où servait Kagamé. Les FAR n'avaient pas de missiles anti-aériens.
- Le camp Kanombé n'a pas été le sanctuaire de la garde présidentielle.
- l'amiral Jourdier rappelle que des opposants à Kagame ont été assassinés en Afrique du S ud,
et que les Etats-Unis se sont opposés à une enquête sur l'attentat du 6 avril 1994.
- selon Pierre Péan, Kagame est responsable du génocide; il y eut davantage de victimes hutus que Tutsis.
- L'ASAF note que Kagamé masque ses exactions.
Le président Hoillande n'est pas intervenu alors qu'il s'agit de l'honneur de la France.
Il faut en RCA éviter toute accusation (pas de bavure).
- L'universitaire Serge Dupuis, dans un excellent article de la revue de la Fondation Jean Jaurès de mars 2014,
explique très bien la raison des accusations contre la France et son armée :
« L’image de lui-même que le FPR s’est appliqué à construire au fil des années,
avec une constance et une efficacité remarquable, se nourrit de diabolisation et de manichéisme à la fois. Face aux organisateurs du génocide tutsi, il ne saurait y avoir qu’un camp de victimes, homogène, immaculé, incontesté.
Un camp comprenant les centaines de milliers de morts tutsis, naturellement, mais également et surtout,
leur défenseur et champion, le FPR. C’est le fondement du pouvoir de celui-ci, le gage de sa permanence
à la tête de l’Etat rwandais en même temps que sa respectabilité internationale.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la stigmatisation collective dont est victime la communauté hutue au Rwanda. C’est le sens qu’il faut donner à la diabolisation extrême que l’on fait peser sur la France. »
- Général Didier Tauzin (1911-1912). Le rapport Mucyo et son soutien par le parti de l'étranger (Assoc. Survie) sont inacceptables.

Carte du général Lafourcade


mercredi 2 juillet 2014

bibliographie de xavier Riaud


Critiques littéraires de livres d’histoire de la médecine militaire pour la CFHM
par Xavier Riaud

Riaud Xavier, Chirurgie dentaire et nazisme, L'Harmattan (éd.), Coll. Allemagne d'hier et d'aujourd'hui, Paris, 2015, 286 p., 30,00 euro.

En 1933, Hitler arrive au pouvoir en Allemagne. A partir de ce moment, chaque profession s'imprègne de l'idéologie nazie. A travers l'organisation des dentistes allemands sous contrôle étatique, à travers leur mode de fonctionnement politisé, c'est la description de toute une société embrigadée qui est abordée dans cet opus de Xavier Riaud. La principale nouveauté réside dans le fait qu'elle est étudiée directement depuis l'intérieur. Hygiène de la race, militarisation des dentistes au sein de la Marine, de la Wehrmacht, de la Luftwaffe, de la SS, genèse de la récupération de l'or dentaire dans les camps dans le cadre de la Solution Finale d'extermination de la population juive et son exploitation sur le plan international, chirurgie maxillo-faciale allemande, relations des dentistes nazis avec la confraternité internationale, rôles, formations universitaires, et obligations légales des dentistes dans le cadre de l'opération T4 d'euthanasie des aliénés mentaux et handicapés physiques, expérimentations médico-dentaires dans les camps de concentration, dentistes héros de guerre au service d'un régime totalitaire, identifications médico-légales des dignitaires nazis comme Hitler, Braun, Mengele ou encore Bormann, procès d'après-guerre et inculpations des principaux responsables SS, aucun sujet n'est occulté. A partir d'archives extraordinaires, de documents et de témoignages uniques, agrémentées d'une iconographie abondante, issues des plus grands centres du monde, Xavier Riaud réalise une galerie de portraits édifiante. Il lève aussi le voile sur des moments très sombres de l'histoire de l'Humanité et rétablit des vérités primordiales sur des questions demeurées encore aujourd'hui mystérieuses. Il parvient également à situer ces chirurgiens-dentistes entre médecine et éthique médicale, et à démontrer combien cette dernière notion est difficile au sein d'un régime totalitaire. Enfin, Xavier Riaud, à travers ce livre, référence en son genre sur un thème peu connu, s'attache au devoir de mémoire. Devant la résurgence d'idées passées, il s'évertue, avec convictions, tel un combat, à ériger ces mots : « Plus jamais cela !... »

Georges Villain 

Bieser Hubert, Les soldats aliénés à l'asile de Ville-Evrard (mars 1915-décembre 1918), L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2014, 282 p., 29,00 euro.
La Grande Guerre a marqué les esprits par ces combats et par ces Gueules cassées. Un phénomène nouveau est apparu consécutivement aux affrontements: les chocs post-traumatiques, mais aussi la folie. Hubert Bieser, ancien directeur de soins, spécialiste de l'aliénation pendant la Grande Guerre, décrit, à partir des archives d'un centre psychiatrique de la Première Guerre mondiale, celui de Ville-Evrard, l'état des internés, leurs symptomes et leurs traitements. Ces fous, ces malades, oubliés dans ces centres psychiatriques, reprennent un instant vie à travers le livre d'Hubert Bieser et démontre, s'il en est besoin, que la folie guerrière, c'est hélas aussi cela.
Afin que personne n'oublie...
                                                                                                                                                      Xavier Riaud

Colas Marie-Dominique, Le visage des hommes 1914-1918, Lavauzelle (éd.), Paris, 2014, 250 p., 24,00 euro.
En 2013, le prix Goncourt a été décerné à un romancier qui a su redonner un visage à une Gueule cassée condamnée à l'exil en empruntant l'identité d'un mort pour ne pas être confrontée à l'horreur dans les yeux de ses proches. Comment survivre quand ce qui fonde notre être au monde a été arraché par un obus, une balle, une mine? Comment donner du sens à cette mutilation quand l'opinion publique ne reconnaît pas l'action militaire ou ne s'y intéresse plus? Si le roman de 2013 y parvient à partir d'une histoire imaginée à partir de faits réels, Mme Colas y parvient mieux encore s'attachant aux faits réels eux-mêmes. Tiré de sa thèse qui a reçu le prix d'histoire de la médecine aux armées, cet ouvrage ne manquera pas d'apporter des réponses fondamentales à des questions historiques sociétales qui interpellent.
                                                                                                                                                       Xavier Riaud

Goasguen Jean, Médecin de Marine au Sénégal (1882-1884), L'Harmattan (éd.), 2013, 476 p., 47,00 euro.
Louis Carade, né en 1859, diplômé de l'Ecole de médecine navale de Toulouse, est affecté au Sénégal en 1882. Il y écrit de nombreuses lettres pour ses parents. Il leur demande de les conserver. 78 d'entre elles sont rapportées dans cet ouvrage écrit par un médecin général, ancien sous-directeur de l'Ecole du Service de Santé des Armées. Ces missives raconte la vie au quotidien de ce médecin, ses aventures, ses problèmes avec l'administration locale ainsi qu'avec les Maures. Avec beaucoup d'humour, cet Européen convaincu affiche sa supériorité sur les Noirs sans l'ombre d'une hésitation dans un ouvrage exotique particulièrement agréable à lire.  
                                                                                                                                                       Xavier Riaud

Mounier-Kuhn Alain, Les médecins militaires du XIXe siècle, Glyphe (éd.), Coll. Société, Histoire et Médecine, Paris, 2014, 860 p., 30,00 euro.
Le XIXe siècle est émaillé de conflits auxquels l'armée française participe plus ou moins heureusement. Devant soigner des blessures extrêmement mutilantes causées par de nouvelles armes, les médecins sont souvent débordés et doivent s'adapter en conséquence. A cet effet, les écoles médicales se perfectionnent et se modernisent, accompagnées dans le même temps par les hôpitaux militaires qui travaillent ensemble.C'est ainsi que l'Ecole du Val-de-Grâce ouvre ses portes en 1850. A travers le parcours de 300 médecins, l'auteur nous dresse, de manière détaillée les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Si l'intendance est la difficulté majeure de l'infanterie, les maladies tropicales seront la préoccupation primordiale des médecins de la marine. Alain Mounier-Kuhn nous livre un ouvrage monumental sur les médecins militaires français au XIXe siècle dont on ne peut qu'admirer l'ampleur des recherches effectuées. A lire sans modération...
Xavier Riaud


Hillemand Pierre, Journal d'un médecin sur les deux guerres, tome 1 - La Grande Guerre (2013), tome 2 - La Seconde Guerre mondiale (2014), Fiacre (éd.), Montceaux-lès-Meaux, 2 x 20,00 euro.
Elu en 1970 à l'Académie nationale de médecine, le parcours du Dr Pierre Hillemand (1895-1979) est en tous points remarquable. Une grande partie de sa carrière s'est tournée vers la chirurgie digestive et a apporté une contribution majeure à cette discipline, mais la particularité de ce médecin est d'avoir servi son pays pendant les deux guerres prépondérantes du XXe siècle. Authentique et bouleversant, cet ouvrage, véritable témoignage du siècle dernier, est présenté par son fils, autre médecin, Bernard, également membre de l'Académie nationale de médecine et grand pionnier de l'alcoologie française. Médecin des hôpitaux de Paris, c'est en tant qu'ambulancier sur le front pendant la Première Guerre mondiale que Pierre Hillemand sert son pays, réalisant des prouesses extraordinaires dans l'évacuation des blessés, au milieu des balles et des obus. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est chef de la consultation de médecine « porte » de l'hôpital Saint-Antoine. A ce poste, il a en charge les STO. Son abnégation a permis à de nombreux jeunes hommes d'y échapper. Officier de la Légion d'honneur, Croix de Guerre 14-18, Pierre Hillemand apporte un témoignage unique, son témoignage, de ce qu'il a vu et connu. Combattant, mais aussi sociologue et politologue, le médecin donne une vision des deux guerres destinée aux générations futures afin que personne n'oublie.

Xavier Riaud, le 13 septembre 2014

1 - Davidson Martin, Le nazi parfait, Jacob-Duvernet (éd.), Ivry-sur-Seine, 2011, 394 p., 20,90 euro.
Bruno Langbehn est un jeune étudiant en médecine dentaire lorsqu'Hitler entame sa lente ascension en Allemagne. Séduit aussitôt par ses théories, il est l'un des premiers à adhérer au Parti nazi. Lorsqu'il arrive au pouvoir en 1933, Langbehn est lieutenant dans l'ordre militaire le plus noir, dans la SS Totenkopf (tête de mort), ceux qui avaient pour mission d'arrêter les Juifs et de les envoyer dans les camps d'extermination. Après la guerre, il n'est pas inquiété et peut achever ses études. Il ouvre un, puis deux cabinets dentaires, et tout en dissimulant son lourd secret, il nourrit les espoirs de sa famille. Et si votre grand-père était un monstre? Et si votre grand-père avait contribué à tuer des milliers de personnes? Tel est la découverte effroyable qu'a faite Martin Davidson, le petit-fils de Langbehn, après de nombreuses investigations dont il expose les résultats dans cet ouvrage. Un livre terrifiant pour ne pas oublier!         
                                              Xavier Riaud

2 - Schneider Jean-Jacques, Nicole Mangin, une Lorraine au coeur de la Grande Guerre, l'unique femme médecin de l'armée française (1914-1918), Place Stanislas (éd.), Nancy, 2011, 224 p., 20,00 euro.
 Après avoir écrit en 2008, un livre remarqué sur le service de santé des armées à Verdun en 1916 paru aux Editions Serpenoise (un énième sur la question?), le docteur Schneider nous revient avec un ouvrage consacré au docteur Nicole Girard-Mangin qu'il qualifie "d'unique femme médecin du service de santé des armées" pendant la Guerre 14-18. D'ores et déjà, ceci est une erreur. Il n'y a qu'à se souvenir de Suzanne Noël qui a été une émule du célèbre professeur Morestin, grand ponte de la chirurgie maxillo-faciale, et qui a oeuvré en tant que médecin toute la guerre dans les hôpitaux parisiens pour le bien-être des Gueules cassées. Il est vrai cependant que Noël n'était qu'interne au moment du conflit. Peut-être Schneider a-t-il voulu dire que Girard-Mangin a été la seule femme présente dans les zones de combats, ce qui, là encore, reste à démontrer malgré tout?
En fait, l'intérêt de cet opus réside avant tout dans l'étude de la personnalité remarquable de la doctoresse. Au front, elle s'est affirmée en tant que femme auprès des blessés leur apportant un semblant de douceur que la guerre n'autorisait pas, mais aussi scientifique rigoureuse, médecin aux compétences considérables très vite reconnues par ses pairs quand il s'agissait d'opérer. Pour ses malades, elle n'a jamais hésité à risquer sa vie et les a traités avec compassion, et abnégation. Malheureusement, décédée trop tôt suite à l'absorption létale d'une trop forte dose de médicaments dans des circonstances troubles, Nicole Girard-Mangin a été une femme authentique dont la vie brillante s'est achevée trop vite. Rédigé à partir des notes personnelles de cette femme, ce manuscrit d'approche très simple se lit d'une traite et ne se quitte qu'à regret. A découvrir en hommage à Nicole, assurément une grande dame... 
Xavier Riaud

3 - Germain Michel, René Leriche, pionnier de la chirurgie vasculaire, Glyphe (éd.), Collection Société, histoire et médecine, Paris, 2008, 309 p., 24,00 euro.
Fondateur du Conseil de l'ordre des médecins en 1940 et président de cette institution pendant deux ans, René Leriche défend les médecins français afin qu'ils ne partent pas en Allemagne servir le régime hitlérien et essaie de sauver ses confrères juifs de l'antisémitisme ambiant. René Leriche, c'est aussi un chirurgien qui opère pendant la Grande Guerre directement, à sa demande, sur le front, qui crée de nombreux hôpitaux au milieu des zones de combats et refuse une citation à l'ordre de l'armée, préférant la concéder à un autre soldat qu'il estime plus méritant que lui. Cette citation, il l'obtiendra tout de même en 1918. Intime du maréchal Joffre, c'est lui qui l'ampute dans ses derniers jours et c'est encore lui qui lui sauve la vie au plus fort des affrontements alors que le maréchal est en fonction.
Michel Germain, éminent chirurgien et historien érudit de la médecine, nous livre ici une oeuvre majeure, pleine d'humanisme, sur un homme dévoué au chevet de ses malades, illustres ou non, militaires ou non. Pétain dit de Leriche, à propos de son intervention réussie sur Joffre: "Vous avez eu du courage d'opérer un homme si illustre. La plupart du temps, on nous laisse mourir. Le risque et la responsabilité sont trop grandes. Pourtant, n'attendez aucune gratitude. S'il survit, on dira que votre intervention était inutile. S'il meurt, on dira que c'est de votre faute." René Leriche, devant annoncer un verdict médical, le faisait toujours droit dans les yeux, droit dans l'âme de ses patients. Il ne trichait pas. Joffre le respectait pour cela.
Michel Germain nous emmène à la découverte d'un chirurgien militaire pendant la Grande Guerre, civil par la suite, pourfendeur de la veuve et de l'orphelin pendant la Seconde Guerre mondiale, toujours en adéquation avec son éthique personnelle. Un grand médecin pour un livre remarquable. A découvrir absolument...   
Xavier Riaud

4 - Riaud Xavier, Les dentistes américains dans la guerre de Sécession (1861-1865), L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2012, 218 p., 22,50 euro.
Depuis Noël 1860, les hommes du major Anderson sont assiégés dans Fort Sumter en Caroline du Sud, par 6 000 miliciens de l’Etat sécessionniste. Les renforts n’arrivent pas. Le 12 avril 1861, le général Beauregard ouvre le feu. Anderson refuse d’abord de se rendre, puis, le lendemain, capitule. La guerre civile commence. Elle dure 4 ans et se termine avec la reddition du général Lee, à Appomatox, le dimanche 9 avril 1865. Ce conflit coûte la vie à près de 618 000 hommes. Quelle place et quel rôle pour les dentistes américains dans cette triste période ? A travers des photos et des documents issus des plus grands centres d’archives américains, à travers des témoignages d’époque également, Xavier Riaud nous apporte une réponse originale et surprenante à cette question. Une première édition de cet ouvrage en 2006 a constitué une première mondiale. Si de nombreux articles ont été publiés aux Etats-Unis sur la question, aucun livre jusqu’alors ne l’avait été. Xavier Riaud a revisité le sujet en développant de façon significative le livre d’origine. Il aborde aussi d’autres aspects de ce conflit comme le scorbut au sein des deux armées antagonistes, un hommage aux premiers dentistes noirs américains, la vérité sur l’identification médico-légale de John Wilkes Booth, le meurtrier d’Abraham Lincoln dont les problèmes bucco-dentaires ne sont pas oubliés, ou encore le cancer oro-facial d’Ulysses S. Grant, le général vainqueur de cette triste guerre, etc. Si pareil opus est unique en son genre, il offre à tout lecteur la perspective d’une réelle et belle (re)découverte.
                           Georges Villain      

5 - Van Tiggelen René & al., La Grande Guerre de 14-18: La radiologie monte au front, Musée belge de la radiologie, Bruxelles, 2011, 143 p., 19,00 euro
René Van Tiggelen est le conservateur du Musée belge de la radiologie. C'est donc un ouvrage très documenté et parfaitement illustré (260 figures) qui nous parvient sur la radiologie pendant la Première Guerre mondiale, discipline créée à peine 20 ans auparavant. A la base du diagnostic, la radiologie connaît un essor croissant ainsi qu'un usage de plus en plus fréquent, tout particulièrement pendant ce conflit où les blessures par balles ou éclats d'obus ont été destructrices. Malheureusement, si les bénéfices de son utilisation sont vite reconnus, les précautions d'usage, quant à elles, ne sont pas maîtrisées et leur absence a généré des expositions nucléaires du personnel en place qui en feront les premières victimes. Cet ouvrage vient d'être traduit en anglais sous le titre Radiology in a trench coat. Military radiology on the western front during the Great War, Academia Press, 2012, 220 p.
Un ouvrage de référence incontournable sur la radiologie pendant la Grande Guerre. A ne pas manquer...
                                                   Xavier Riaud

6 - Riaud Xavier, Napoléon Ier et ses médecins, L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2012, 370 p., 36,50 euro.
Préface du Professeur Christian Cabrol.
Prix d’histoire de la médecine de l’Association des Amis du Musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce 2012.
En 1792, un décret de l’Assemblée législative confirmé par l’ordonnance du 8 août 1793 de la Convention nationale officialise la fermeture des organisations enseignantes, des académies et autres sociétés savantes. A la fin de l’année 1794, une nouvelle école de médecine voit le jour, celle d’une république naissante. D’autres suivront. Des Corvisart, des Chaptal, des Berthollet ou encore des Fourcroy réforment la santé en profondeur, lui conférant de vraies lettres de noblesse. Un savoir médical unique en Europe se concentre sur le sol français. Un enseignement hospitalo-universitaire est créé : la divulgation de préceptes théoriques aux étudiants s’accompagne d’une mise en pratique directement sur le malade au sein d’une structure hospitalière. Puis, apparaît en 1808, l’Université…
Ces grands médecins ont brillé à tous les échelons supérieurs de l’administration impériale, au service de leur pays. Voilà pourquoi nombreux sont ceux qui ont été décorés de la Légion d’honneur et/ou ceux qui ont été élevés à la noblesse d’Empire. Il convient évidemment de ne pas oublier la chirurgie militaire qui a occupé une grande place en ce début de siècle conquérant pour la Grande Armée. De grandes figures s’y sont illustrées comme Larrey, Percy ou Desgenettes notamment. Ce livre retrace l’histoire de ces hommes, l’histoire des grandes réformes au sein du corps médical sous l’Empire, enfin l’histoire de la médecine à cette époque et des rapports que Napoléon Ier nourrissait avec celle-ci.
     
                                                                                Georges Villain 

7 - Lamendin Henri, Desaix et… ? Selon plusieurs auteurs, Souvenirs (éd.), Guillestre, 2013, 193 p., 25,00 euro.
A Sainte-Hélène, Napoléon dicte ces quelques lignes à propos du général Desaix : « Nous nous serions toujours entendus par conformité d'éducation et de principes. Son talent était de tous les instants. Il avait le courage physique et le courage moral. Dévoué et fidèle, c'était un caractère à l'antique ». Desaix, quant à lui, écrit à l’issue de leur rencontre, le 27 août 1797 : « J'ai enfin rencontré un grand homme... Vous ne pouvez avoir une idée de son caractère, de son esprit, de son génie. Je suis enchanté de l'avoir vu. » Le 14 juin 1800, Desaix meurt à Marengo, blessé à mort au cours d'une charge héroïque qui donne la victoire à Bonaparte. Avec le décès de Desaix, une page se tourne. Aucun de ses proches collaborateurs ne bénéficiera plus de sentiments aussi forts que ceux que Bonaparte a ouvertement affichés pour Desaix, comme si l’homme, pour se consoler ou se protéger, avait décidé de se fermer au monde alentour et de ne plus se consacrer entièrement qu’à son projet politique. Conjectures, supputations ou constat légitime qui n’engagent que moi, toujours est-il qu’aucune autre correspondance de sa main n’attestera, par la suite, d’un émoi similaire envers aucun autre.
L’auteur nous livre un portrait original, un parcours complet et dense, avec une iconographie méticuleusement choisie, n’occultant aucun des aspects de la vie de Desaix, y compris ses contradictions supposées lorsqu’il est obligé d’obéir à Kléber en Egypte, alors son supérieur hiérarchique, bien que les motivations de ce dernier aillent à l’encontre, sur le moment, de celles du nouveau Premier Consul. C’est un ouvrage enfin à lire sur une touchante histoire, celle de deux amis en définitive que, seule, la mort a séparé, un opus dont on ne peut que saluer et vanter les mérites, et que l’on ne quitte qu’à regrets.
                                                               Xavier Riaud

8 - Resal Jacques & Allorant Pierre, Un médecin dans le sillage de la Grande Armée, Correspondance entre Jean-Jacques Ballard et son épouse Ursule demeurée en France (1805-1812), L'Harmattan (éd.), Coll. Mémoires du XIXe siècle, Paris, 2013, 328 p., 34,00 euro.
Dans près de 200 lettres que Jean-Jacques Ballard a écrites à sa femme, ce chirurgien relate sa vie d'homme et de médecin parmi les soldats de la Grande Armée. Pendant 7 années, il parcourt l'Europe entière et est présent dans toutes les campagnes napoléoniennes. Médecin militaire responsable d'hôpitaux de campagne, il déploie tous ses talents pour enrayer de nombreuses épidémies, mais peu prolixe sur ses compétences médicales, il s'attarde plus à raconter sa découverte d'autres contrées et d'autres cultures. Dans ce recueil de lettres, un témoignage extraordinaire de la vie de la Grande Armée nous est révélé. S'il considère avec le plus grand intérêt la culture, la religion des pays qu'il traverse, Jean-Jacques Ballard, par le biais de Jacques Resal et de Pierre Allorant qui ont eu l'idée merveilleuse de colliger toute cette correspondance, véritable patrimoine historique, met aussi en évidence le dénuement et la pauvreté des soldats de l'armée impériale ainsi que les exactions de certains d'entre eux. Ce recueil est un morceau de vie monumental sous l'Empire, d'une précision chirurgicale sur les pérégrinations d'une Grande Armée victorieuse, dominatrice, puis défaite, en plein désarroi après la déroute de la campagne de Russie. Un ouvrage incontournable à consulter absolument...
                           Xavier Riaud                     
 9 - Salf Eric, Hôpital militaire Legouest : cent ans d’histoire militaire à Metz, Lavauzelle Graphics (éd.), Panazol, 2012, 148 p., 23,15 euro.
Cet hôpital ouvre ses portes en 1912 et est alors sur le sol allemand. A la veille de la Grande Guerre, il est dénommé hôpital de forteresse n° 3. Devenu l’hôpital Legouest au début des années 30, du nom du professeur du Val-de-Grâce qui a permis l’autonomie du service de santé militaire en 1883, il a fêté ses 100 ans d’existence en 2012. Sollicité à l’extrême lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle, il a formé de nombreux professionnels de santé envoyés en mission sur le théâtre d’opérations se déroulant dans le monde entier. Aujourd’hui, après la restructuration de 1992, il devient le seul hôpital militaire pour tout l’est de la France. Transformé en hôpital d’instruction militaire, il travaille en partenariat étroit avec la Faculté de médecine de Nancy et l’Ecole militaire du Val-de-Grâce, et délivre les soins aux armées ainsi qu’à la population civile. Ce morceau de vie d'une ville de Lorraine est indéniablement riche et dense pourvu que le lecteur s'intéresse à sa culture et à son histoire. En effet, voilà le problème d'un tel ouvrage qui n'est centré finalement que sur un patrimoine très local, bien que la création de cette école, ainsi que son aménagement et son évolution, soient indissociables de ceux des infrastructures identiques à l'échelon national. Toutefois, il convient de saluer le travail extraordinaire de recherche et d'écriture effectué par le Dr Salf qui exerce dans cet hôpital, et l'importance de l'iconographie dont la qualité est bien réelle.
Xavier Riaud

10 - Fradin Mathilde, Entretiens avec le Docteur Lévy-Leroy, médecin résistant, L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2013, 93 p., 12,00 euro.
Né en janvier 1915 dans une famille bourgeoise, Jean-Claude Lévy-Leroy est un jeune étudiant en médecine lorsque la guerre éclate en 1939. Juif, il décide de rejoindre la France libre et de mettre ses compétences médicales au service de la Résistance du général de Gaulle. Cet ouvrage est le témoignage vivant des années de guerre vécues par le Dr Lévy-Leroy, entre 1940 et 1944. Pour la Résistance, il voyage d'Afrique en Asie et participe en 1944, à la libération de sa mère patrie. Le 26 août 1944, il défile sur les Champs-Elysées de la capitale libérée. A la fin de la guerre, il s'installe à Alger où il exerce pendant plusieurs années. Il finit sa carrière, puis ses jours en juillet 2012 à Avignon. Devenu officier de la Légion d'honneur, ce récit poignant est l'âme vivante et le souvenir exalté d'un jeune homme qui s'est battu pour libérer son pays du joug nazi, avec une ferveur sans cesse renouvelée. En recueillant l'histoire du Dr Lévy-Leroy, Mathilde Fradin, journaliste, nous offre une histoire unique et bouleversante de la Seconde Guerre mondiale. 
Xavier Riaud

11 - Morillon Marc & Falabrègues Jean-François, Le Service de santé 1914-1918, Bernard Giovanangeli (éd.), Paris, 2013, 160 p., 35,00 euro.
Dans un ouvrage riche et dense, parfaitement illustré, les deux auteurs recensent toutes les professions médicales (brancardiers, infirmiers, médecins, dentistes, etc.) en action au service des blessés pendant la Grande Guerre. Du relevé des blessés sur le champ de bataille jusqu'aux hôpitaux de l'arrière, Marc Morillon, médecin général inspecteur, et Jean-François Falabrègues, chirurgien-dentiste en chef de réserve, évoquent toutes les étapes médicales de la prise en charge du blessé au cours de la Première Guerre mondiale. Ce livre, au fur et à mesure du déroulement de ses pages, se révèle un véritable hommage à tous ceux dont le dévouement a contribué à améliorer le sort, les soins et le retour à une vie sociale de ces hommes meurtris par des combats particulièrement mutilants. Accessible au grand public, cet opus s'avère être un livre incontournable de l'histoire de la médecine militaire pendant ce que tous ont appelé la Der des Der. A découvrir absolument...
                                                         Xavier Riaud

12 - Germain Michel, Alexis Carrel, un chirurgien entre ombre et lumière, L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2013, 204 p., 20,00 euro.
Alexis Carrel est sans doute le chirurgien le plus controversé du XXe siècle. Il soulève toujours d’âpres discussions. L’ombre et la lumière le définissent parfaitement. La lumière, il la connaît en 1912, puisqu’il reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine « en reconnaissance de ses travaux sur la suture des vaisseaux et la transplantation d'organes ». Par son génie de chirurgien et son habileté, il est parvenu à révolutionner la médecine du siècle dernier, offrant à l’être humain un avenir indéniable. Précurseur de la chirurgie vasculaire, ses recherches le conduisent vers la transplantation d’organes où il rencontre un succès fulgurant au point de mettre au point une prothèse cardiaque d’ingénierie dont les préceptes essentiels seront repris plus tard. Co-inventeur de la solution de Dakin et chirurgien hors norme pendant la Grande Guerre, biologiste après 1918, il trouve des applications, dans la lutte contre le cancer, qui ont un retentissement international. Il est encensé dans le monde entier. Puis, vient l’ombre, avec la publication de L’Homme, cet inconnu en 1935, véritable best-seller. Son eugénisme préconisant « un centre d’euthanasie par le gaz pour les criminels », moyen employé par les nazis pour tuer « les minorités, les aliénés », salué dans la version allemande de son livre parue en 1936, en fait une caution scientifique de ce qui sera la Shoah, bien qu’aucun texte nazi ne soit venu attester qu’il en est bien l’instigateur. En 1941, collaborateur, il travaille activement pour le régime de Vichy. Michel Germain, après une recherche approfondie dans des archives inédites, parvient à nous en apprendre davantage sur l’homme qu’a été Alexis Carrel et ses vraies motivations, avec un sens aigu de la critique indispensable pour appréhender l’histoire d’un des acteurs les plus incontournables et les plus discutés, encore de nos jours, de la médecine du XXe siècle.
                                                       Xavier Riaud

13 - Graf Mercedes, To heal and to serve: Women Army Doctors in World War II, Hellgate Press, 2013, 200 p.
Abnégation, dévouement et altruisme sont au rendez-vous de cet ouvrage. Axés sur des témoignages extraordinaires, Mercedes Graf nous raconte l'histoire de ces femmes médecins qui se sont enrôlées pendant la Seconde Guerre mondiale et qui ont consacré leur temps à soigner des blessés. Comment ont-elles été amenées à s'engager? Quelle a été leur formation? Quel quotidien pour elles au milieu des combats? Quelles ont été les conséquences pour leurs vies d'après-guerre? Mercedes Graf nous instruit sur chacun de ces sujets et bien d'autres encore. Un ouvrage essentiel sur des femmes merveilleuses qu'on ne quitte qu'à regrets...
                                                    Xavier Riaud