lundi 19 octobre 2015

Lettre n°6 de juin 2015


Lettre d’information de la Commission Française d’Histoire Militaire
Histoire militaire et stratégies comparées CFHM
Nouvelle série Juin 2015 n° 6
Sommaire
editorial et Vie de la Commission ........ p. 1 * Un semestre bien rempli, par le Gal M. Faivre
* La Commission à Orléans : une visite de l’A400M, par F. Deleuze
les Conférences de la CFHM ................. p. 2
* « La Ligne Maginot, conception, réalisations, destinée », communication du colonel H. Ortholan, par M. Loustau
* « La guerre romaine », communication du Pr. Y. Le Bohec, par M. Loustau
* « Weserübung : Norvège 1940, la première opéra- tion interarmées de l’Histoire », communication du Lcl V. Arbarétier, par José Maigre
* « Le général Robert Lee, la légende sudiste », communication de M. V. Bernard, par M. Loustau
* « La crise proche-orientale de1839-1841 », com- munication de M. J. Louis, par M. Loustau
* « Justice et vérité, le général Henri Giraud, le Libé- rateur oublié », communication de l’Amiral H. Giraud, par J. Maigre
Chroniques militaires ................................ p. 7
* « Des soulèvements au califat improvisé, les Etats arabes en question ». CR du colloque IRSEM –Sor- bonne par V. Arbarétier
notes de leCture ......................................... p. 9 * Assaut sur Malte ! 1942 - si l’Axe avait osé..., de
Charles Turquin, par V. Arbarétier
* Victor Emmanuel III, un roi face à Mussolini, de Frédéric Le Moal, par V. Arbarétier
* L’Aigle égyptien, Nasser, de Gilbert Sinoué, par V. Arbarétier
* De la Cavalerie aux Forces spéciales. L’histoire du 13° Régiment de Dragons parachutistes, de Jean- Dominique Merchet, par M. Faivre
* Le Général de Galliffet. Un sabreur dans les coulisses du pouvoir (1830 – 1909), de Georges Gugliotta, par M. Loustau
* L’amiral Horthy, le régent de Hongrie, de Catherine Horel, par M. Loustau
* Images d’armées. Un siècle de cinéma et de photo- graphie militaire (1915-2015), Sébastien Denis et de Xavier Sené (dir.), par J. Maigre
* Louvois, Le double de Louis XIV, de Jean-Philippe Cénat, par A.- J. Roux 
Editorial. Un semestre bien rempli
1. En attendant la recension détaillée qui sera publiée dans la lettre n°6, je voudrais souligner la qualité exceptionnelle de notre réunion du 20 juin :
- un auditoire de 100 personnes suivant avec une attention passionnée, pendant plus de deux heures, le remarquable exposé de l’amiral Giraud ;

- l’approbation des historiens et des officiers présents, sensibles à la vérité historique et aux valeurs militaires ;
- l’éloquence de l’amiral, relatant la prestigieuse carrière du général Giraud, son grand-père : combattant héroïque en 1914, en 1925 dans le Rif puis en 1940, plusieurs fois blessé ;

- ses évasions audacieuses, son action politico-militaire pour moderniser l’armée d’Afrique, mobiliser le Maghreb et l’empire colonial, libérer la Tunisie et la Corse, et préparer la défaite de la Wehrmacht.
Pour finir, des mises au point précises ont répondu aux questions pertinentes
des auditeurs.
2. Les publications de nos adhérents constituent un autre sujet de satisfaction.
Plusieurs ouvrages historiques ont été publiés depuis deux ans :
- par les professeurs Amat, Avenel, Corvisier, Garnier et Richardot,

- par les colonels Arbaretier, Noulens, Porte et Schiavon,
- par Philibert de Loisy, Gilles et Catherine Ragache.
Il faut aussi rappeler les travaux précédents de madame du Réau, Pierre Pagney, Henri de Wailly, des capitaines de vaisseau Huan et Brezet, des généraux Chaix et Boissau.
On attend enfin une histoire de Saint-Cyr en cours de rédaction par José
Maigre.
Nous avons donc une pléiade prolifique de chercheurs dont l’activité honore la Commission Française d’Histoire Militaire.
3. 67 cotisants, dont une vingtaine d’ACARS, se sont signalés à la date du 20 juin.
Quelques retardataires seront invités par le Secrétaire général à régulariser leur situation. Il y va de la bonne marche de notre association.
4. Les réunions du dernier quadrimestre sont dès maintenant planifiées. Elles seront suivies en décembre d’une réunion du Conseil d’administration.
A toutes et tous, je souhaite de passer d’excellentes vacances et de bien profiter de cette trêve estivale.
 Général Maurice Faivre Président de la CFHM 22 juin 2015

La Commission à Orléans : une visite de l’A400M par François DELEUZE Le 12 juin 2015, une délégation de la CFHM de 31 personnes a été accueillie sur la base 123 d’Orléans-Bricy pour une présen-
tation en statique de l’A 400 M.
Le Capitaine pilote a reçu dans le cockpit chaque participant, par groupe de 3 personnes, pour une présentation personnalisée du poste de pilotage.
Les présentations internes ont été effectuées par le chef de soute.
Il a été possible de photographier sans aucune restriction. Nombreux ont été les participants photographiés assis au poste de pilotage, viseur tête haute baissé.
La CFHM a reçu un grand nombre de messages de remerciements et de félicitations adressés par la plupart des visiteurs.
L’A 400 M est un avion de transport militaire polyvalent capable de missions duales. Il a été conçu par Airbus Mili- tary pour compléter ou remplacer les flottes actuelles vieil- lissantes de C130 Hercules américains et de C160 Transall franco-allemands.
La particularité de l’A400M est de pouvoir remplir à la fois les missions de transport stratégique et des missions tactiques. Ses quatre turbopropulseurs avec leurs hélices 8 pales lui donnent une grande souplesse d’emploi, ainsi que ses pneumatiques à basse pression qui lui permettent d’atterrir sur des pistes en terre.
La soute d’une surface de 92 m 2 et d’un volume cargo de 340 m 2 permet d’accueillir 9 palettes militaires standards, ou 116 soldats avec leur équipement, ou encore 66 civières et une équipe médicalisée de 25 personnes.
L’avion peut parachuter 16 tonnes. Sa masse à vide est de 80 000 Kg, sa masse carburant de 50 500 kg maxi, et sa masse maximale de 141 000 kg.
Sa vitesse maximum est de Mach 0,72 = 780 Km/h, elle lui facilite l’intégration dans le transport commercial. Son pla- fond est de 12.500 m, et son rayon d’action de 4.535 Kms avec 30 t de charge utile.
Il est entré en service dans l’armée de l’Air le 29/12/2013, sur un vol Orléans Bamako.
Pour l’instant, 8 pays l’ont commandé pour un total de 174 exemplaires. 13 appareils ont été livrés à ce jour, dont 7 à l’armée de l’Air.
Exemple d’emport en version militaire :
- 2 canons de 105 mm et 2 camions de 5 tonnes.
- 3 VAB
- 1 VBCI
- 1 véhicule de lancement de missile sol-air « Patriot » - 1 hélicoptère NH90
- 2 hélicoptères d’attaque Tigre.

En version civile pour des missions humanitaires, sa soute peut accueillir 6 Land Rover avec leur remorque.
L’A 400 M a été engagé la première fois en opération ex- térieure par l’armée de l’Air au cours de l’opération Serval en décembre 2013. Le crash de Séville le 9 mai dernier ne devrait pas remettre en cause le développement de sa production. 

Les conférences de la CFHM
«La Ligne Maginot, conception, réalisations, destinée » communication du colonel Henri ORTHOLAN (conférence du 17 janvier 2015) par Michel LOUSTAU
Dès le règne de Louis XIV, la France atteint ses frontières Est et les côtes peuvent être menacés, en raison du « ventre mou » des Flandres. Deux systèmes défensifs se succèdent, le « pré carré » de Vauban et celui de Séré de Rivières. Il s’agit de barrer la route de Paris à l’envahisseur allemand.
En 1919, la France victorieuse est redevenue la «Grande Nation », avec la meilleure armée du monde et la plus moderne. Mais le Reich, vaincu et affamé, en proie à la guerre civile, conserve néanmoins son industrie lourde intacte. Le traité de Versailles lui laisse une Reichswehr de 100.000 hommes et les Alliés occupent la Rhénanie, dont la rive droite est démilitarisée. La France, dont dix dépar- tements ont été ravagés, est saignée à blanc et retrouve l’Alsace-Lorraine. Le principe de l’inviolabilité du territoire sous-entend que la guerre future aura lieu...chez les Belges.
L’armée est solide jusqu’en 1925, année de Locarno, et la Ruhr est occupée en 1923. En 1922, la Commission de défense du territoire réunit Joffre, Foch, Pétain, Buat, Debeney et Guillaumat. Pétain préfère la défensive, Joffre et Foch l’offensive. Tous s’entendent pour se battre en Bel- gique. Faut-il une Muraille de Chine ou un Limes ? Joffre claque la porte et Guillaumat prend la présidence. Le ser- vice militaire est réduit à un an en 1928, mais repasse à deux ans en 1935. La Rhénanie est évacuée en 1930, cinq ans avant le terme fixé à Versailles. La conférence de Ge- nève sur le désarmement agit comme un poison sur les dirigeants français. La Commission d’Organisation des Ré- gions Fortifiées travaille depuis 1927 et Paul Painlevé est le vrai père de la loi du 4 Janvier 1930 proposée par André Maginot. Guillaumat avalise une stratégie qu’il n’approuve guère. Metz, la Lauter, Montmédy constituent des points forts compte tenu de la trouée de la Sarre et des étangs de Sarralbe. Messimy demande aussi des ouvrages à la frontière belge.
Toutefois, l’effort au profit des 25 secteurs fortifiés se maintient jusqu’à la guerre. Tant est si bien que les tra- vaux réalisés font de la ligne Maginot un système quasi continu, ce qu’il ne devait pas être au départ. Finale- ment, au moment de l’offensive de la Wehrmacht de mai 1940, il constitue une organisation solide de Longwy à Haguenau, ainsi que dans les Alpes.
Les Allemands connaissent eux aussi des dilemmes. Le plan Schlieffen a échoué de peu en 1914. Une victoire rapide est nécessaire. Jeschonnek demande l’invasion des Pays-Bas car les Anglais ont des bombardiers à long rayon d’action, et Hitler veut contrôler la mer du Nord. Von Mans- tein réussit à imposer son Plan Jaune et Guderian mise sur le couple Panzer – Stuka. Le 10 mai 40, 30.000 véhicules, tous phares allumés, traversent les Ardennes et atteignent la Meuse, prenant la Ligne Maginot à revers. Devant la Blitzkrieg, Weygand ordonne trop tard de décrocher. Or le Groupe d’armées du général Prételat comptait 600 chars, et nos chars B 1 et R 35 auraient pu agir contre les PZK I et II, les T 38 tchèques et même les FT 17 de Rommel. Il se retrouve encerclé et finira par capituler.
Après Iéna, les Allemands ont su rénover leur doctrine militaire. En France, paralysée par l’esprit de Genève, les divisions cuirassées préconisées par Estienne et de Gaulle (qui n’a pas intégré la dimension aérienne) ont  été créées trop tard et mal utilisées. Les transmissions étaient déficientes, tandis que chaque char allemand avait la radio.
 Et pourtant le soldat français s’est bien battu quand il était bien commandé. La ligne Maginot n’est certes pas responsable de la défaite, mais elle y a contribué en retenant pour couvrir ses arrières des troupes qui ont cruellement manqué pour endiguer l’avance allemande. Elle devra se rendre elle aussi sans avoir vraiment combattu, à la grande déconvenue des soldats qui l’occupaient et croyaient en leur mission.
 «La guerre romaine sous l’Empire » communication du Professeur Yann LE BOHEC (conférence du 7 février 2015) par Michel LOUSTAU
Né à Carthage, élève de W. Seston et de M. Le Glay, le Professeur Le Bohec a eu du mal à imposer son sujet de thèse, la IIIe Légion Augusta, à une époque dominée par l’école des Annales et sa vision socio-économique marxisante des faits historiques. Des historiens ont enrichi nos connaissances sur l’armée romaine : P. Le Roux, M. Feu- gère, A. K. Goldsworthy, G. Brizzi. Le présent livre couvre la période 58 av. J.-C. – 235 ap. J.-C. et comprend cinq chapitres.
I – L’armée comme institution

L’auteur a déjà étudié l’organisation de l’armée du Haut et du Bas -Empire dans ses livres parus chez Picard. A la spécialisation des unités et à une hiérarchie expérimen- tée – centurions, tribuns, légats, préfet du prétoire, empe- reur, s’ajoute un recrutement de qualité. Les jeunes gens libres subissent un examen physique et doivent savoir lire, écrire et compter. On prend les meilleurs. La population de l’Empire (de 20 à 40 millions d’habitants ?) fournit 350.000 soldats dont le service dure de 20 à 30 ans.
II – L’environnement de la guerre
Pourquoi les Anciens faisaient-ils la guerre ? Pour des rai- sons éternelles, que Thucydide a mises en lumière : dominer et non être dominé, peur de voisins mal connus, comme le metus punicus de 264 à 146 av. J.-C. Des historiens ont invoqué des motifs économiques, comme le contrôle des terres à blé et des axes majeurs ; en fait les Anciens n’en parlent jamais. Le soldat se voit riche grâce au butin : illusion... L’Etat veut imposer un tribut au vaincu, car les Romains ne paient pas d’impôt. Les ennemis sont d’abord les Parthes répartis entre les cataphractaires nobles et les contingents provinciaux et vassaliques ; ensuite les Germains d’une audace folle, mais mal armés, sans stratégie ; et enfin les Bretons et les Juifs, tout aussi exaltés. La guerre est un mal qu’il faut essayer d’éviter, en respectant les règles du jus ad bellum et du jus in bello. Des rites religieux sont observés. Le fécial brandit une lance qu’il jette vers l’ennemi pour déclarer la guerre. Une fois l’Empire devenu chrétien, les Pères de l’Eglise ne seront pas tous d’accord sur l’obligation morale faite aux fidèles de défendre l’Etat contre ses ennemis.
III – Vers le combat
Civil en uniforme, le militaire est astreint à des corvées et à des tours de garde. L’exercice est essentiel : sport, nata-
tion, escrime pour tuer, manœuvres en unités constituées. Près des camps s’installent les familles des militaires, des boutiques, des lupanars, des tavernes. Le vêtement est simple : tunique et ceinturon. L’armement est très efficace: casque, cuirasse, bouclier, pilum, glaive dont les blessures en ont horrifié plus d’un lors des guerres de conquête. L’artillerie utilise des balistes, catapultes, scorpions et onagres. Les navires de guerre sont plus grands et plus solides que ceux du Moyen Age avant l’invention de la caravelle. Outre le génie qui bâtit les camps, les routes et les ponts, l’armée a un service de renseignement et maîtrise la transmission par signaux de fumée. La logistique est assurée par le train des équipages (mulets, chevaux, mais aussi bœufs et mou- tons pour la nourriture) ; l’intendance fournit le pain de campagne, nourriture de base, et il y a également un service de santé avec ses médecins et ses chirurgiens. Le camp est construit tous les soirs, et détruit au matin. On se lève tôt et les légions se mettent en marche dans un ordre précis.
IV – La tactique
Les légionnaires sont espacés de 1,50 m pour l’escrime et se disposent sur trois rangs. Chaque ligne comprend 3, 6 ou 9 rangs. Il faut une plaine assez vaste pour manœuvrer. L’armée peut former un coin ou effectuer un mouve- ment tournant sur une aile adverse. La guerre de siège est différente. La ville est synonyme de butin. Assiégeants et assiégés connaissent la poliorcétique défensive (remparts, tours) et offensive (circonvallations comme à Alésia). Les moyens d’assaut sont les mines souterraines, les béliers, les échelles ou les hélépoles (tours mobiles). Le combat urbain peut revêtir la forme de la tortue pour éviter les projectiles. Dans Avaricum (Bourges), les légionnaires égorgent 40.000 civils. Les Romains ont pratiqué le combat en montagne (dans les Alpes et en Arménie), le combat de nuit, la guerre biologique et chimique : enfumage de grottes ou souterrains, vases remplis de guêpes ou de scorpions, la contre-guérilla avec l’usage de véritables colonnes infer- nales pour réduire l’adversaire trop récalcitrant. De telles méthodes sont appliquées au peuple juif, aux ménapiens, mais aussi à bien d’autres. Les civils sont tués, les femmes systématiquement violées, les biens pillés, les habitations incendiées. Les survivants sont vendus comme esclaves. En 146 av JC, Carthage est livrée aux flammes durant une semaine. Ces pratiques sont normales dans le droit interna- tional coutumier de l’Antiquité, même Saint-Augustin ne les condamnera pas.
V – La stratégie
Dans un livre de seconde main, mais bien fait et sérieux, Edward Luttwak a traité de la « grande stratégie » de l’Empire romain ; le terme « petite » conviendrait mieux. Un exemple : le Limes mot très peu utilisé par les Anciens qui signifie « sentier à travers la forêt » et prend son sens militaire au IIIe siècle sur le Rhin. Les systèmes défensifs varient d’une région à l’autre : mur d’Hadrien en Bretagne, mur du Diable en Germanie, fleuves-barrières (Rhin, Da- nube, Euphrate), contrôle des oasis en Syrie. En dehors des légions, les seules réserves sont les prétoriens et les cohortes urbaines. La flotte comprend deux escadres, l’une à Misène et l’autre à Ravenne, dont les 40.000 marins se disent d’abord milites (soldats).
En cinq siècles l’armée romaine, la meilleure de l’His- toire, a bâti l’Empire, qu’elle a défendu pendant cinq autres siècles. En dépit de ses désastres – Cannes, Carrhes, Teutoburg, elle demeure un modèle inégalé.

« Weserübung : Norvège 1940, la première opération interarmées de l’Histoire », communication du Lieutenant-colonel Vincent ARBARETIER (conférence du 28 mars 2015) par José MAIGRE
L’opération « Weserübung » déclenchée le 9 avril 1940, qui se termina fin juin avec la reddition des derniers
courageux combattants nor
végiens, fut la première opé- ration interarmées de la Se- conde Guerre mondiale, tant au plan de ses objectifs stra- tégiques, qu’à celui de son système de commandement ou de sa planification et enfin de sa conduite, d’où le grand intérêt de cette étude sur un sujet ignoré de la plupart des historiens en France.
En septembre 1939, alors que la France et l’Empire britannique ont déclaré la guerre à l’Allemagne nazie, Hitler, après avoir dégarni sa frontière occidentale, jette l’ensemble de ses forces aériennes et terrestres dans la guerre contre la Pologne qu’il réussit à vaincre en trois semaines avec le concours des Soviétiques qui, en vertu du pacte signé un mois auparavant, parti- cipent à la curée. Au début de l’année 1940, alors que les Soviétiques ont attaqué la Finlande depuis la fin novembre, Hitler se concentre logiquement sur le « Plan jaune » visant à défaire les Français et les Britanniques à l’Ouest. Toute- fois, l’Amiral Raeder, le chef de la Kriegsmarine, lui sug- gère dès le 20 octobre 1939 d’attaquer le Danemark et la Norvège en vue de désenclaver la marine allemande face à la Royal Navy. En effet, la marine allemande ne voulait pas recommencer le cauchemar de la bataille du Jutland en 1916, après laquelle elle dut rester au port pendant presque deux ans. En outre, l’importance de la Norvège pour l’Allemagne s’expliquait également par son rôle dans son approvisionnement en minerai de fer suédois. Pour reprendre la célèbre expression de la propagande française de cette époque, il ne fallait pas que « la route du fer fût coupée », sachant que le statut d’état neutre de la Suède n’était pas remis en cause par les belligérants.
Hitler avait décidé après la campagne de Pologne de don- ner à l’OKW, son tout nouveau outil interarmées de concep- tion et de commandement, une prééminence sur les états- majors des trois armées. C’était une idée véritablement novatrice à l’origine de l’interarmisation d’aujourd’hui.
Le théoricien naval allemand Wolfgang Wegener avait déjà expliqué que la marine de guerre allemande avait besoin d’un espace de manœuvre qui lui permettrait de dominer l’océan atlantique face à la Royal Navy. Le 14 dé- cembre, un état-major interarmées aux ordres du général Jodl, le chef opérations de l’OKW, se mit à étudier la « Stu- die Nord » en vue d’occuper par une action interarmées le Danemark, puis la Norvège. L’aspect « propagande » et l’option politique ne furent pas oubliées et le ministère des affaires étrangères -ainsi que le parti nazi- furent mis égale- ment à contribution.
Cette « étude nord » fut ensuite complétée par une plani- fication opérationnelle divisée en 2 : « Weserübung Süd »: le plan visant à occuper le Danemark, puis « Weserübung Nord », visant à occuper la Norvège. Ces deux planifications ont débuté simultanément, mais devaient ensuite se suc- céder l’une à l’autre, compte tenu à la fois des dimensions géographiques de la Norvège, mais aussi du risque qu’en- courait la Wehrmacht de voir les Alliés la devancer. Cette planification détaillée eut lieu du 10 janvier au 5 février 1940, aux ordres du capitaine de vaisseau Krancke. Hitler confia ensuite la planification de détail et la conduite des opérations au général von Falkenhorst, un spécialiste de la Scandinavie, qui avait combattu en Finlande avec les corps francs germaniques après la Première Guerre Mondiale.
Malgré quelques cafouillages dus à la mauvaise coordi- nation initiale des différents convois maritimes et des pre- mières opérations aéroportées, les troupes allemandes purent se rendre très vite maîtresses des premiers objec- tifs. Les mauvaises surprises liées aux actions navales bri- tanniques et aux débarquements alliés à Namsos, mais aussi et surtout à Narvik, furent surmontées grâce aux «Stukas » de la Luftwaffe et à la combativité des troupes de montagnes du général Dietl. En huit semaines, l’affaire fut conclue, mais cela n’enlève rien aux mérites du Corps expéditionnaire franco-britannique qui s’est bien battu.
Pour conclure, on peut dire que cette première opération interarmées allemande fut un succès presque total dans la mesure où les objectifs assignés furent brillamment at- teints, mais il coûta cher : près de la moitié des grandes unités de surface de la Kriegsmarine furent détruites ou immobilisées. Ce succès fut néanmoins sans lendemain car, contrairement à ce que préconisait Raeder, la Norvège ne fut nullement le point de départ du siège des îles britan- niques en vue de leur neutralisation, à défaut de conquête. La bataille d’Angleterre se déroula par la voie des airs depuis la France conquise et se solda par un échec. Et l’occupation de la Norvège va mobiliser sur place des forces allemandes qui auraient sans doute été plus utiles ailleurs, alors que l’espace scandinave –après l’occupation sans coup férir du Danemark- était déjà largement ouvert aux intérêts du Reich. 

«Le général Robert Lee, la légende sudiste», communication de M. Vincent BERNARD (conférence du 11 avril 2015) par Michel LOUSTAU
Le 9 Avril 1865, le général Lee, commandant en chef de l’armée confédérée depuis Février, signait sa reddition à Appomattox devant le général Grant. Ainsi prenait fin une carrière militaire exceptionnelle, comparable, selon Chur- chill, Théodore Roosevelt et Eisenhower, à celle des plus grands capitaines de l’Histoire. Il a son portrait à la Mai- son Blanche. Pendant trois ans, il a empêché les Nordistes de s’emparer de Richmond. Issu de cette Virginie, cœur politique des Etats-Unis, qui engendra Washington et Jef- ferson, il avait choisi en 1861 de rallier la Confédération et son droit à la sécession contre l’Etat fédéral. Là était bien le problème de fond, par-delà la question de l’esclavage.
Né en 1807, fils d’un héros de la guerre d’indépendance, il a grandi sans lui auprès de sa mère dont le stoïcisme l’a marqué. Il épouse en 1831 une cousine, fille unique, des- cendante de Washington. Elle lui donnera sept enfants dont trois garçons ; deux deviendront généraux.
A-t-il la vocation des armes ? Pas vraiment, mais la famille est ruinée et il doit soutenir sa mère. A West Point, qui forme des ingénieurs militaires et civils, il rencontre Joseph Johnston et Jefferson Davis. Capitaine du génie en 1844, il fait l’apprentissage de la guerre au Mexique, de 1846 à 1848, où le général Scott le distingue. Son frère aîné commande une batterie d’artillerie. Peu impression- nable, il entend voir au plus près l’ennemi. En revanche, la politique l’écœure et il refusera de présider la Confédé- ration en 1862. En 1855, colonel breveté du génie, il est promu lieutenant-colonel au 2e de cavalerie, sous A.S. Johnston, et fait campagne au Texas contre les Comanches qui lui inspirent une piètre opinion.
Le 18 Avril 1861, à Washington, Lincoln veut le nommer général et lui fait offrir le commandement des forces de l’Union, mais Lee refuse de prendre les armes contre la Virginie dont le gouverneur lui confère le commandement avec le grade de major général. Tout montre que Lee, parti- san du compromis, a vécu ces heures tragiques comme un déchirement. La première année de la guerre est un peu terne, car la Virginie Occidentale a rejoint les Yankees et la troupe, mal nourrie, est composée de volontaires sans formation militaire. Lee devient le conseiller spécial du pré- sident Jefferson Davis. Le printemps 1862 est crucial pour la Confédération car la Nouvelle-Orléans tombe, Richmond est assiégée et Joe Johnston est blessé. Lee le remplace à la tête de l’armée de Virginie du Nord. Sa campagne des Sept Jours est un exploit car il manœuvre le brillant mais pusil- lanime Maclellan, et dégage la capitale sudiste. Il poursuit l’ennemi sur la rivière James et attaque avec succès dans le Maryland. Il a d’excellents lieutenants, « Stonewall » Jack- son et Longstreet. Le Nord n’a pas l’équivalent.
Après le sanglant échec des Fédéraux de Burnside à Frede- ricksburg le 13 Décembre 1862, et la manœuvre hardie de Lee contre Hooker à Chancellorsville du 2 au 4 Mai 1863, les Confédérés crurent la victoire décisive à portée de main, d’ autant plus que le temps travaillait pour le Nord, plus riche et plus peuplé. L’entrée de Lee en Pennsylvanie en Juin et la recherche de la bataille avaient pour but de contraindre Lincoln à négocier. Seulement, le 27 Juin, l’incapable Hoo- ker est remplacé par George Meade, qui dispose de 93.000 hommes contre 75.000. La bataille de Gettysburg est une bataille de rencontre, au cours de laquelle la cavalerie de Jeb Stuart n’a pas joué le rôle escompté. Les engagements du 1er Juillet 1863 sont décousus et l’armée du Potomac peut s’installer derrière des remblais et accidents de ter- rain. Le 2, Lee refuse la proposition de Longstreet de tour- ner la position ennemie, et les furieux assauts sudistes ne s’avèrent pas concluants. Le 3, Lee décide de percer le centre de la ligne nordiste au moyen des 15.000 hommes de Pickett , et Longstreet n’ exécute les ordres qu’ à contre- cœur. La préparation d’artillerie (150 pièces) ne peut vrai- ment entamer les lignes fédérales, et si le général Armis- tead parvient à forcer la ligne de l’Union, il tombe aussitôt, frappé à mort. Modèle du soldat chrétien, Lee a pris sa décision en son âme et conscience, mais les hourras des Fédéraux montrent clairement qu’il n’est plus invincible et la guerre va durer encore deux ans...
La dernière phase du conflit oppose Lee à Ulysses Grant,qui veut remporter la victoire, quel qu’en soit le prix. Tactique- ment, les deux généraux font jeu égal, mais Grant ne se re- plie pas et progresse car il détient la supériorité navale. En Mai-Juin 1864, les batailles de Wilderness, Spottsylvania et Cold Harbor coûtent cher en hommes aux Fédéraux, mais Richmond est menacée à nouveau et Petersburg investie durant neuf mois. La Confédération est coupée en deux. En Juillet, le raid de Jubal Early vers Washington sème la panique parmi les dirigeants de l’Union, mais les Nordistes se ressaisissent et conjurent le danger. La Confédération est coupée en deux, mais Lee tient bon et Lincoln craint pour sa réélection, tandis que Sherman ravage la Géorgie. Au début de 1865, les 25.000 soldats de Lee sont affamés et épuisés. Lee hésite, puis accepte les conditions de Grant. Les cava- liers nordistes capturent également Jefferson Davis.
Sur une photo célèbre de M. Brady, Lee apparaît en com- pagnie de son fils aîné et de son secrétaire, le colonel Tay- lor. Il rentre chez lui, mais il est ruiné et sa propriété a été saisie; il accepte le poste de directeur du Washington Col- lege, aujourd’hui Washington and Lee University. On peut y voir l’écurie de son cheval, « Traveller », lui aussi légen- daire. Il s’éteint le 12 Octobre 1870.
La postérité a reconnu les éminentes qualités militaires du général Lee, son grand sens tactique, son utilisation adroite du terrain. Admiré par la population, aimé du simple soldat, bien secondé, il commandait une armée cohérente. Cela dit, la guerre de Sécession est la première guerre indus- trielle, avec l’emploi des chemins de fer, les tranchées, les navires cuirassés. Lee et Grant ont su s’adapter à ces nouvelles conditions du combat. 

« La crise proche-orientale de 1839-1841 » communication de M. Jérôme LOUIS (conférence du 16 mai 2015) par Michel LOUSTAU
Maître d’un immense territoire, le vice-roi d’Egypte Méhémet Ali (1769- 1849) menace l’autorité du sultan-calife de Constantinople. En 1829 Polignac voulait le faire inter- venir contre le dey d’Alger, et Victor Hugo s’enthousiasme pour ce despote éclairé qui a offert à Paris l’obélisque de Louxor et une girafe. Les Anglais s’entendent avec le sul- tan pour asphyxier l’économie égyptienne, et la crise de 1833 oppose les Russes aux Turcs. Son fils Ibrahim pacha doit reculer : Méhémet Ali se tourne alors vers l’Arabie et envoie Ahmed pacha au Yémen. En 1838 il va chercher de l’or au Soudan où ses petits navires et ses canons effraient les Noirs.
De retour en Egypte, Méhémet Ali se conduit en souverain indépendant. Les Russes entrent à Hérat et le sultan Mah- moud II rejette les protestations d’amitié des Occidentaux. Le Hauran est le théâtre d’une guerre inexpiable entre les Druzes, qui refusent la conscription imposée par les Egyp- tiens, et Ibrahim pacha qui songe même à empoisonner les rebelles. Lady Stanhope encourage les Druzes. Malade et affaibli par les excès de boisson, Mahmoud II veut se venger de Méhémet Ali et redevenir seul calife. Le 21 Avril 1839 Hafiz pacha traverse l’Euphrate avec 50.000 Ottomans, évi- tant Ibrahim campé à Adana. Le 3 Mai la nouvelle parvient à Méhémet Ali et Ibrahim s’établit à Alep où Soliman pacha – le colonel Sève – exerce ses troupes. En Arabie, Khorchid pacha manque de munitions mais occupe Médine et (...)
capture l’émir Fayçal qui est transféré au Caire. Le 22 Juin, près de Nezib, les 38.000 hommes du séraskier Hafiz et
les 35.000 d’Ibrahim sont face à face. Mais les positions des Osmanlis, for-tifiées par les Prussiens Moltke et Mühlbach, sont trop fortes pour être enlevées et Soliman pacha conseille à Ibrahim une marche oblique qui permettra de prendre l’ennemi à revers.
Ce plan est exécuté le 23 et la bataille s’engage le 24. La lutte est acharnée mais la supériorité de l’artillerie égyptienne est décisive et la garde turque est repoussée. Les irréguliers kurdes et les bachi-bouzouks lâchent pied, comme 80 % de l’effectif ottoman. Les vain- queurs s’emparent de plus de 100 canons, de 35 pièces de gros calibre et de 20.000 fusils.

Mahmoud II meurt le 1er Juillet et son successeur Abdül- mecid n’a que 17 ans. Le capitan pacha Achmet Ferzi, avec 22 bâtiments, plus de 16.000 matelots et 5.000 soldats de marine, fait défection et rallie Méhémet Ali. Paris charge l’amiral Lalande de s’interposer, mais il laisse filer la flotte vers l’Egypte. Les Anglais préfèrent voir ces vaisseaux en Egypte plutôt qu’à Constantinople où ils pourraient être pris par les Russes. Le jeune sultan ouvre l’ère des ré- formes, le Tanzimat. La crise devient internationale car les Russes s’apprêtent à envoyer 60.000 hommes en Asie Mi- neure et les Dardanelles sont bloquées. Les Français, prêts à la revanche sur Waterloo et les traités de 1815, tirent des plans pour intervenir aux Indes, au Canada, en Grèce, et soutenir la guerre sainte de l’Islam... Le vice – roi d’Egypte cherche à négocier et dépêche un émissaire auprès de la Porte. Palmerston, à la tête du Foreign Office depuis 1830, appuie le sultan, se méfie de la Russie et déteste la France qui a conquis Alger.
Le 1er Mars 1840, le maréchal Soult, démissionnaire de la présidence du Conseil, est remplacé par Adolphe Thiers. Le 15 Juillet, l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, la Prusse et la Turquie signent un traité en dehors de la France, contre ses intérêts et son protégé Méhémet Ali. L’opinion fran- çaise s’enflamme ; Lamartine et Heine craignent un conflit européen. Thiers fait fortifier la capitale. Les nationalismes français et allemand s’expriment en vers et en chansons. Dans ce climat belliqueux, la Bourse chute. A partir du 9 Septembre, les navires anglais bombardent Beyrouth, dé- fendue par Soliman pacha, tuant surtout des civils. Napier débarque à Junieh avec 9.000 Anglais, Autrichiens et Turcs. Le 2 Octobre, les Ottomans débarquent à Beyrouth et sont repoussés, mais les Egyptiens doivent évacuer la ville que les Coalisés occupent le 10. Bachir III, émir du Liban, se bat à leurs côtés. Le 3 Novembre, c’est le tour de Saint-Jean- d’Acre tenue par 6.000 Egyptiens et 300 canonniers. Elle est pilonnée par les 21 bâtiments alliés et sa poudrière saute. Méhémet Ali ordonne l’évacuation de la Syrie. Le 21, l’ami- ral Napier est devant Alexandrie. Abandonné par la France, le vieux lion s’incline ; il évacue l’Arabie, renvoie la flotte du sultan à Constantinople, mais garde le gouvernement héréditaire de l’Egypte et le Soudan.
L’humiliation de la France est certaine, car elle n’a pas défendu son allié. Le 15 Octobre, l’ouvrier Darmès a tenté de tuer Louis-Philippe, dont le refus d’augmenter les effectifs de l’armée a entraîné le départ de Thiers le 20 Octobre ; les tensions avec l’Angleterre sont fortes alors que le gou- vernement organise le retour des Cendres de l’Empereur. La Convention des Détroits de 1841 les interdit aux navires de guerre et Guizot ramène la France dans le jeu diploma- tique, avec les axes Paris – Madrid et Paris – Turin. L’affaire des mariages espagnols sera apaisée par la rencontre entre le roi des Français et la reine Victoria. Quant aux saint– si- moniens, ils dressent les plans du canal de Suez et s’inté- ressent à la colonisation de l’Algérie. En Février 1848, ap- prenant la chute du roi-citoyen, Méhémet Ali veut aller à son secours avec ses Egyptiens... alors que lui-même devra abdiquer dans quelques mois. 
 
«Justice et vérité, le général Henri Giraud, le Libérateur oublié» communication de l’amiral Hervé GIRAUD (conférence du 20 juin 2015) par José MAIGRE
Ce fut l’affluence des grands jours à l’Ecole Militaire, ce 20 Juin, pour écouter l’amiral Hervé Giraud évoquer avec chaleur la mémoire de son grand-père le général d’armée Henri Giraud, aujourd’hui injustement oublié, ou –ce n’est guère mieux- caricaturé à l’excès par une certaine historio- graphie officielle. On ne peut se contenter de formules trop faciles à l’égard de celui qui fut à Alger durant près d’un an l’égal du général de Gaulle à la présidence du CFLN, mais non point son féal...
Né à Paris en 1879 dans une famille assez modeste et très patriote, Henri Giraud fait de bonnes études secondaires avant d’intégrer Saint--Cyr (1898-1900). Jeune officier, il est affecté en Afrique-du-nord où il se sent bien ; il y fera à différentes reprises une partie de sa brillante carrière. Il se marie en 1908 et de cette union naitront 4 filles et 4 gar- çons. Grièvement blessé à Guise le 30 août 1914, il est fait prisonnier par les Allemands. A peine remis de sa blessure, il s’évade et reprend sa place au front. Il participe aux opé- rations du Chemin des Dames en avril 17, puis se distingue en prenant, en juin, le fort de Malmaison.
Après la guerre, le maréchal Lyautey qui l’apprécie le réclame au Maroc. Il disait en parlant de lui : « Regardez bien Giraud Il est grand en tout ». C’est en tant que lieu- tenant-colonel qu’Henri Giraud fait la campagne du Rif. Il est à nouveau blessé en 1925 et c’est lui qui reçoit, le 27 mai 1926, la reddition d’Abd-el-Krim. De 1927 à 1929, il est professeur à l’Ecole de guerre où sa réflexion tactique est appréciée par ses élèves. Il participe ensuite aux ultimes opérations de pacification de l’Atlas marocain du début des années trente comme général de brigade, avant de commander la division d’Oran. Promu général d’armée, il devient gouverneur militaire de Metz le 5 mars 1936, le jour même où la Wehrmacht réoccupe sans réaction la rive gauche du Rhin. Il presse à une riposte immédiate, mais personne ne l’écoute ! Dans un discours remarqué en septembre suivant à Douaumont, il condamne aussi bien « ceux qui prennent leurs consignes sur la Spree que sur la Moskova ».
A Metz, il a comme subordonné le colonel de Gaulle avec lequel il ne cache pas ses divergences sur l’emploi de l’arme blindée en grandes unités. En 1939, il commande la 7ème armée avec laquelle il se porte le 10 mai 40 au secours (...)
(des) Pays-Bas dans le cadre du plan Dyle-Breda. Il par- vient à retarder l’offensive de l’adversaire, mais Gamelin le nomme le 16 mai à la tête d’une 9ème armée très mal- menée, et qui bat en retraite dans une totale confusion. Il n’arrive pas à redresser la situation et est fait prisonnier aux avant-postes le 19 mai. Il va être emprisonné à la forteresse de Königstein, oflag d’abord réservé aux officiers généraux. La forteresse occupe un site naturel quasi inexpugnable, et dont il paraît impossible de s’échapper. Giraud va se montrer un prisonnier très rétif et qui refuse toute espèce d’accointances avec ses geôliers. Dans une lettre largement diffusée à l’époque, adressée à ses enfants, il lance un vi- brant appel au redressement de la France et de son armée : «Une nation vit quand elle veut vivre. Résolution, Patience, Décision. »
Et de montrer l’exemple en préparant méticuleusement son évasion avec l’aide de sa famille et de nombreux com- plices rassemblés par le SR de Vichy. A 63 ans, il s’évade spectaculairement le 17 avril 42 en se laissant descendre le long d’un à-pic vertigineux de 45 m au bout d’une corde bricolée, et ce en dépit d’une sciatique qui le fait souffrir ! Il va réussir son évasion grâce à toute une série de relais et grâce à sa bonne connaissance de l’allemand. Quand Hitler l’apprend, il est hors de lui et va même donner l’ordre de l’abattre. A son arrivée à Vichy, Pierre Laval et Otto Abetz veulent l’obliger à retourner en captivité pour ne pas gêner la politique de Collaboration ! Il s’y refuse avec fermeté et par l’intermédiaire des Alliés prépare son passage en Afrique du nord : il s’embarque clandestinement le 5 no- vembre sur un sous-marin pour Gibraltar où il rencontre Eisenhower juste avant le déclenchement de « l’opération Torch ». Il s’établit quelques jours après à Alger, dans un pénible imbroglio, mais en contribuant à l’entrée en guerre des troupes françaises contre celles de l’Axe en Tunisie (19 novembre). Il va payer le prix fort : toute sa famille restée en métropole est déportée par les nazis, et sa fille aînée mourra en captivité.
Après l’assassinat de l’amiral Darlan (24 décembre), Henri Giraud est promu commandant en chef civil et militaire de l’Afrique française avec un seul et unique objectif : rééquiper l’armée d’Afrique pour préparer la revanche de nos armes. Avec le soutien du président Roosevelt, qui se méfie de de Gaulle, il réussit pleinement dans cet objectif qui l’accapare et va permettre de rééquiper selon les normes en vigueur dans l’armée américaine les divisions de l’armée d’Afrique, et d’en créer de nouvelles pour reprendre le com- bat, d’abord en Italie, puis ensuite en Provence. Il soutient également la création de l’ORA, le mouvement clandestin de résistance de l’armée d’armistice, confiée au général Frère. Il a des relations suivies avec le réseau « Alliance » et le SR britannique. A partir du 30 mai 43, il accueille le géné- ral de Gaulle à Alger et accepte de « partager le pouvoir » avec lui, contre l’avis de tout son entourage qui va vite en faire les frais. Giraud n’a qu’un objectif, l’unité des Français qui se battent. De Gaulle, lui, est mu par un projet d’abord politique, et il ne pardonne pas à Giraud la « folie aven- turiste » qu’a été la libération –pourtant magistralement réussie- de la Corse... sans qu’il ait été prévenu.
En manœuvrier très habile et sans scrupule, digne succes- seur de Richelieu et de ses émules, de Gaulle va lentement - mais sûrement - pousser le général Giraud vers la sortie en lui reprochant très injustement de ne rien comprendre
à l’esprit de Résistance qu’il incarne, et de n’avoir aucune vision de l’avenir politique de la France libérée où rien ne sera plus comme avant. Il lui supprime d’abord ses responsabilités ci-viles, puis en avril 44 ses prérogatives militaires, auxquelles il tenait tant ; et ce avant la prise de Rome, sans doute pour cause d’opposition stratégique. Giraud
était -avec Juin- partisan de l’offensive danubienne à partir de l’Italie reconquise, de façon à arriver à Vienne avant l’Armée rouge. Vienne : clé de Ber- lin. Mais le SHAEF en avait décidé autrement...

Et pourtant, le commandant-en-chef avait fait preuve de son indéniable efficacité comme « organisateur de la vic- toire ». Alphonse Juin sait ce qu’il lui doit dans la pleine réussite des campagnes de Tunisie et d’Italie ; et Jean de Lattre a toujours eu son soutien sans faille pour préparer l’armée B à tenir pleinement son rang lors du débarque- ment de Provence. Giraud se retira dignement dans une villa à Mazagran où il fut victime le 28 août 1944 d’un at- tentat – jamais élucidé - qui faillit lui coûter la vie. Après la Libération, il rentra en France et refusa la charge de Grand Chancelier de la Légion d’Honneur que de Gaulle lui pro- posa, Il fut élu député de la Moselle en 1946 pour quelques mois. Il mourut de maladie à 70 ans, le 11 mars 1949, et eut droit à des obsèques nationales, conduites par le pré- sident Vincent Auriol.
Auparavant, le général de Gaulle était venu discrètement l’hôpital militaire de Dijon se recueillir devant la dépouille de son ancien chef, puis rival malheureux. Rappelons enfin qu’il avait tenu à saluer son départ le 15 avril 1944 par cet éloge : “Je dis bien haut que la magnifique carrière militaire du général Giraud fait extrêmement honneur à l’Armée fran- çaise. Je dis bien haut que son évasion légendaire de la for- teresse allemande de Königstein, sa volonté immuable de combattre l’ennemi, sa participation éminente à la bataille de Tunisie et à la libération de la Corse, lui assurent, dans cette guerre même, une gloire qui ne sera pas oubliée !”.
Durant cet exposé de l’amiral Giraud, la flamme de la conviction et la piété familiale ont fait bon ménage avec une argumentation étayée ; on ne peut qu’être en accord avec le terme de sa péroraison : comment expliquer la chape de plomb mémorielle qui entoure le général Henri Giraud ? Il y a là une profonde injustice qu’il faudrait corriger. Pas de rues, de boulevards ou de places à son nom dans Paris, sa ville natale ; pas de nom de promotion à Saint-Cyr non plus, alors que l’on nous abreuve dans tous les médias de héros ou de modèles parfois plus secondaires ou bien plus contes- tables... Mais qui relèvera le gant ?

« Des soulèvements au califat improvisé, les Etats arabes en question »
LCL Vincent ARBARETIER (membre du bureau de la CFHM)
Organisé conjointement par l’IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire) et l’université Paris- Sorbonne, un colloque présidé par les professeurs Jacques Frémeaux et Olivier Forcade s’est tenu à la Maison de la Recherche le 21 mai 2015. Parmi les excellentes interventions de ce colloque, notons tout particulièrement celle du Professeur Gilles Kepel sur la nature du Djihad qui distingue, outre celui de la lutte morale et spirituelle pour s’améliorer afin de devenir un meilleur musulman, deux types de Djihad de combat.
Le Djihad de conquête, le 6ème pilier de l’Islam, consistant à utiliser une armée professionnelle (et pas l’ensemble de la communauté) pour s’emparer d’objectifs territoriaux bien définis : par exemple, les Janissaires et les différents contin- gents de l’armée ottomane qui ont tenté de s’emparer de Vienne en 1683. Cette opération, comme toutes celles qui l’ont précédée, s’est effectuée sous le commandement d’un Calife.
Le Djihad défensif est le plus dangereux pour l’adversaire, car il met en œuvre l’ensemble de la population de la com- munauté musulmane pour tuer l’infidèle, sous la forme d’une obligation individuelle. Ce Djihad suspend les obliga- tions du musulman, qui, s’il le doit, peut s’affranchir provi- soirement des interdits de l’Islam : boisson, mensonge, for- nication... On le constate aujourd’hui avec les escroqueries effectuées en France par les futurs apprentis djihadistes qui peuvent ainsi utiliser pour la bonne cause l’argent volé aux infidèles avant de commettre des actions en France, ou ail- leurs.
Flavien Bourrat, responsable de programme à l’IRSEM, a présenté ensuite ce qui pourrait -ou pas- être présenté en exemple dans le cas du processus en cours de modernisa- tion de l’État tunisien. La Tunisie, aujourd’hui, semble avoir été le seul État arabe à avoir réussi la première phase de sa transition démocratique depuis le « printemps arabe de 2011 ». Ce succès relatif est dû à une modernisation de l’Etat tunisien débutée dès le 18ème siècle par les beys qui se sont affranchis de la suzeraineté ottomane, puis qui s’est poursuivie ensuite, après la fin du protectorat, avec Bourguiba et même Ben Ali.
Ensuite, le professeur Lahouari Addi (Sciences Po Lyon) a caractérisé le régime politique algérien comme un régime d’essence militaire dans lequel le gouvernement civil ne fait qu’exécuter la volonté de la caste des militaires qui se sont institués garants de l’intégrité du pays. Leur légitimité re- pose en fait sur la « guerre de libération » contre la France et sur les anciens moudjahidin dont le nombre a été revu à la hausse pour l’occasion, ainsi que sur le clientélisme d’une partie importante de la population.
Berny Sèbe (Maître de conférences à l’Université de Bir- mingham) a présenté la difficile question des relations entre les populations du Sahara et les états qui en ont depuis la décolonisation la responsabilité théorique ; ces relations sont basées sur une dépendance totale des populations du désert vis-à-vis des états postcoloniaux, dans la mesure où il n’y existe encore aucune élite reconnue. James Barr (cher- cheur au King’s College de Londres) a retracé les avatars de la création des frontières entre les états du Moyen-Orient lors des accords Sykes-Picot, entre Français et Britanniques au cours de la Première Guerre mondiale. Il insista notam- ment sur les personnalités des deux protagonistes : Sir Mark
Sykes, député conservateur très original du côté britan- nique, et Monsieur Georges Picot, un diplomate arabisant du quai d’Orsay, depuis l’époque de Fachoda en 1898.
Pierre France (doctorant à La Sorbonne) a insisté sur la continuité persistante au cours de la guerre civile libanaise de l’Etat libanais, à partir de 1975 jusqu’à aujourd’hui. Ain- si les fonctionnaires libanais ont-ils toujours été payés au cours de la guerre civile (sauf à l’époque du général Aoun en 1988-89) et la banque du Liban est-elle restée la 18ème banque du monde pour ce qui concerne ses réserves en or (200 tonnes), ce qui la place après la banque d’Angleterre et avant la banque d’Espagne.
Adlene Mohammedi (doctorant à La Sorbonne) a montré les différents aspects des relations entre la Russie et les Etats arabes au Moyen-Orient. Ces relations reposent sur un distinguo au niveau du pouvoir russe entre les états et les hommes qui les composent. Après la dislocation de l’URSS en 1990, la reprise de liens avec les pays arabes fut le fruit d’Evgueni Primakov, le ministre des Affaires étrangères ara- bisant et arabophile de Boris Eltsine. Pierre-Jean Luizard (directeur de recherche au CNRS) évoqua l’effondrement de l’Etat irakien et l’émergence de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Selon lui, l’évènement le plus important fut la mise en scène par Daech de l’effondrement de l’héritage des accords Sykes-Picot, l’année dernière, quelque part sur la frontière syro-irakienne. Cette mise en scène était censée annoncer la destruction imminente des structures étatiques post mandataires en Syrie et en Irak. L’Irak, fondé par les Britanniques en 1920, ne sut jamais au cours de son histoire unifier autour d’un même projet, les chrétiens, les musul- mans chiites et sunnites, ainsi que les Kurdes.
Frédéric Pichon (chercheur à l’université François Rabe- lais de Tours) a montré l’état actuel de l’Etat syrien après 4 années de guerre. Il a qualifié cet Etat « d’état Zombie » qui continue néanmoins de payer ses fonctionnaires, y compris en zone rebelle, et dont l’armée se bat sur 70 fronts diffé- rents. Emma Soubrier (doctorante et chercheur à l’IRSEM) a dressé les caractéristiques des micro-états des Princes du Qatar et des EAU. Ces états n’ont de légitimité que par les familles régnantes qui les gouvernent, et cherchent chacun à bâtir simultanément leurs capacités matérielles de pouvoir et de puissance (au sein du Conseil de Sécurité du Golfe), ainsi que leurs capacités d’influence en Occident par médias et clubs sportifs interposés.
Jean-Baptiste Beauchard (docteur et chercheur à l’IRSEM) a montré que les différents mouvements libanais depuis 2005 n’ont jamais été source de légitimité d’état, mais ont simplement absorbé l’ensemble des conflits régionaux. Ce système consociatif a permis la survie de l’Etat libanais en le faisant bénéficier de soutiens intra et extra-étatiques.
Ce colloque fut très intéressant dans la mesure où les sujets abordés concernent une région et des populations au centre de nos préoccupations les plus actuelles. Le cadre univer- sitaire permet une approche libre d’intervenants tous ara- bisants, et connaissant le terrain de leurs études. Certains discours ou thèses sont bien sûr discutables et mériteraient d’être approfondis ou confrontés à d’autres avis.

Charles Turquin, Assaut sur Malte ! 1942 - si l’Axe avait osé... Economica, 2014, 19 €
par Vincent ARBARETIER
Cet ouvrage retraçant sous la forme d’une uchronie la possibilité stratégique qu’avait l’Axe de s’emparer de l’île de Malte est particulièrement intéres- sant dans la mesure où l’auteur montre bien dans un ouvrage d’une centaine de pages que les forces allemandes et italiennes auraient pu de manière ponc- tuelle débarquer par mer et par les airs sur cette île qui repré- sentait un véritable enjeu stratégique.
Découpé en deux parties égales, ce livre décrit d’abord les forces en présence en 1940 et 1941, puis dans une deuxième partie, imagine ce qu’aurait pu être la suite des opérations en Méditerranée, une fois l’île de Malte sous domination germano-italienne. Au bilan, l’auteur démontre bien que la maîtrise d’une telle position, pour stratégique qu’elle fût, n’aurait certes pas permis aux Germano-italiens de gagner la guerre, mais juste de retarder l’échéance fatale.
Ce livre doit être lu par tous ceux qui sont intéressés par la Seconde Guerre mondiale et par les « what if ? » qu’elle génère. Les personnages sont bien campés et très crédibles, les évènements décrits sont plausibles, mais les divergences de vues entre les partenaires de l’Axe sont à mon avis mini- misées. Le manque de structures de commandement com- munes aurait pu sans doute être davantage souligné... De même, on aurait pu davantage voir la suprématie allemande en matière de décision stratégique, ce qui pour leurs alliés italiens devenait passablement insupportable.
Merci en tous cas à Charles Turquin de s’être livré à cet exercice particulièrement périlleux de l’uchronie, en restant toutefois réaliste sans oublier le rapport de forces particuliè- rement défavorable à l’Axe, même en Méditerranée où il au- rait malgré tout pu saisir davantage d’opportunités, comme il a su le faire en Tunisie. 

Frédéric Le Moal, Victor Emmanuel III, un roi face à Mussolini, Perrin, 2015, 26 €
par Vincent ARBARETIER
Cette première biographie en français du roi Victor Emma- nuel III d’Italie, seul chef d’Etat européen qui a vécu les deux guerres mondiales à ce poste, est particulièrement bienve- nue. Frédéric Le Moal nous livre là une biographie extrême- ment bien documentée et intéressante qui nous permet de mieux comprendre pourquoi l’Italie se retrouve en position aussi délicate au cours de ces deux guerres. Victor Emma- nuel, devenu roi malgré lui à trente ans, après l’assassinat de son père Humbert 1er, prend très vite la dimension de son rôle par rapport à la très jeune démocratie parlementaire italienne et devient rapidement « incontournable » dans la conduite des affaires de cette jeune puissance européenne. Hostile aux Allemands avec lesquels son pays est pourtant allié au début de la Première Guerre mondiale, il joue un rôle actif dans l’entrée de ce dernier aux côtés des alliés français et britanniques en 1915.
Malgré sa très petite taille, il sait se faire respecter par les hommes politiques et par ses généraux. Stoïque et sachant vivre au milieu de ses soldats, il n’empiète pas toutefois sur les prérogatives des chefs militaires, quitte à ne paraître qu’un simple spectateur « photographe » des batailles sanglantes que livre l’armée italienne mal préparée contre les Austro-Hongrois et les Allemands. Il sait tenir son rang de chef d’Etat lors des visites de chefs d’Etat alliés et impres- sionne ses visiteurs par ses facultés intellectuelles, notam- ment sa très grande mémoire des faits. Dans l’entre-deux guerres, marqué par l’épreuve du Premier conflit mondial, il accepte de nommer Mussolini, pour qui il a peu d’estime, aux fonctions de Président du Conseil. Impressionné par le charisme de ce dernier, il s’efface progressivement devant les mesures autoritaires de l’Italie fasciste. Il ne peut rien contre le rapprochement avec l’Allemagne nazie et voit son pays, impuissant, rejoindre l’Axe fatal.
Il est un spectateur impuissant du naufrage de l’Italie fas- ciste, mais il n’oublie toutefois pas en 1943 de congédier Mussolini... qu’il a tant laissé faire. Le duce renvoyé comme un vulgaire domestique, mais c’est trop tard ! Il se laisse ensuite dominer par le cours des événements et subit les pressions américaines sans réagir et laisse l’Italie devenir le théâtre pendant quelques mois d’une tragique guerre civile. Il meurt déchu en Egypte, hôte d’un roi qui continue à l’admi- rer et à le respecter. Catholique sans bigoterie, respecté sans être aimé de son peuple, mari et père de famille exemplaire, ce roi, oublié de l’histoire méritait incontestablement une biographie dans notre langue qu’il possédait à merveille, ce qui est maintenant chose faite et de manière particulièrement agréable et complète : l’auteur nous livre là une œuvre qui fera date ! 

Gilbert Sinoué, L’Aigle égyptien, Nasser Tallandier, 2015, 21,90 € par Vincent ARBARETIER
Gilbert Sinoué, que l’on connaît déjà bien pour de nom- breuses œuvres sur l’Egypte moderne et contemporaine, nous livre ici une biographie très attendue et passionnante sur l’homme d’Etat égyptien contemporain le plus connu et certainement encore le plus populaire dans son pays, sinon dans le monde arabe après quinze ans passés à la tête de son pays. Sa jeunesse nous est retracée et très justement remise dans le contexte d’une Egypte soumise à l’Angleterre malgré un semblant d’indépendance et un roi, le roi Farouk, qui après avoir été très populaire, pour sa résistance à l’occu- pant britannique, se laisse progressivement sombrer dans la facilité et la corruption du pouvoir.
Vaincue en 1948 contre le tout jeune Etat d’Israël, l’armée égyptienne se remet mal de sa défaite et incrimine les turpi- tudes du régime politique pour prendre le pouvoir en 1952. L’auteur nous décrit très exactement les différentes (...)
étapes qui font du jeune Gamal Abdel Nasser, fils d’un modeste fonctionnaire des postes, un jeune officier brillant à la conduite militaire irréprochable, en particulier lors du siège de Faloudja en Palestine. Il va être l’initiateur et le moteur du coup d’état militaire en préparation. Ce dernier se déroule sans violence, ce qui est rare surtout dans le monde arabe de l’époque : le général Néguib, respecté de tous, proclame la naissance de la Répu- blique égyptienne en cette période troublée où l’Egypte se doit de montrer les voies de l’émancipation du colonialisme aux autres Etats arabes. Nasser devient en 1954 le véritable homme fort du régime militaire mis en place et évince lente- ment, mais sûrement, le populaire général.
Gilbert Sinoué nous décrit alors les erreurs et les réussites du régime nassérien en insistant toujours sur les motiva- tions de son personnage et sur son désintéressement car personne n’a pu le prendre en flagrant délit de corruption. Il nous livre un portrait un peu idyllique de Nasser et insiste sur son charisme auprès non seulement des Egyptiens, mais aussi des foules arabes au-delà des frontières. La nationa- lisation du Canal de Suez en 1956 et la crise internationale qui en résulte se terminent au profit de l’Egypte et de Nas- ser. La construction du barrage d’Assouan qui voit l’influence soviétique augmenter, la tragique « guerre des Six jours » et le « guêpier du Yémen », sont autant d’évènements qui jalonnent cette biographie très bien écrite et fort documen- tée. On peut seulement regretter qu’elle ne souligne que les qualités de son personnage et du régime politique qu’il ins- taure dans son pays. Globalement ce livre est remarquable en tant qu’œuvre littéraire, mais par son aspect hagiogra- phique dessert un peu l’histoire qu’il prétend retracer par un manque d’objectivité assumé par son auteur, que l’on peut d’ailleurs partager, lorsqu’on compare le poids et l’influence de l’Egypte d’hier à la situation d’aujourd’hui. 

Jean-Dominique Merchet, De la Cavalerie aux Forces spéciales. L’histoire du 13° Régiment de Dragons parachutistes, Ed. P. de Taillac, 2015, 207 pages, 35 € par Maurice FAIVRE
Magnifiquement illustré, cet album regroupe les témoi- gnages de plusieurs chefs de corps du régiment, présentés par le spécialiste de la défense Jean-Dominique Merchet. Dans les années 1990, ce journaliste avait publié dans Libéra- tion un article intitulé « Pour le renseignement, faites le 13 ». Il commente à nouveau les deux révolutions qui ont marqué l’histoire du 13° RDP, depuis 1959 à aujourd’hui.
A l’issue d’un séjour en Algérie, à Azazga, marqué par les attentats qui frappent deux officiers et leurs conducteurs lors de la visite de la princesse Napoléon, marraine du régiment, le 13° RDP échappe à la dissolution qui touche certaines uni- tés parachutistes et rejoint la garnison de Castres.
En 1963, une première évolution transforme ce régiment de cavalerie blindée en formation interarmes de recherche sur les arrières ennemis, dans le cadre de la guerre froide face au Pacte de Varsovie. Implanté à Dieuze et Langenar-
gen, il met au point des procédés de caches pour ses équipes d’observation, et de transmission discrète à grande distance. Subordonné à la 1ère Armée, il se fait remarquer lors des exercices REFORGER de l’armée américaine, et certains de ses cadres ont l’occasion d’observer clandestinement les ma- tériels soviétiques en Allemagne de l’Est. Des entraînements au grand froid et de résistance aux interrogatoires sont di- rigés par les Canadiens et les Britanniques. Les escadrons se spécialisent dans la plongée, la chute opérationnelle, la montagne et les transmissions.
Deuxième révolution, l’engagement outre-mer. A partir de 1978, des équipes de recherche sont engagées en Maurita- nie et à Kolwezi, puis dans la guerre du Golfe et au Rwanda. La chute du mur de Berlin entraîne de nouvelles missions de renseignement lors des opérations extérieures de Somalie, de Yougoslavie et d’Afrique centrale de 1991 à 2001. En 2002, le régiment intègre les Forces spéciales et travaille au profit de la Direction du Renseignement militaire. Présentes dans une douzaine de pays, ses équipes traquent les criminels de guerre en Bosnie, recherchent les otages en Afghanistan et au Mali, évacuent nos ressortissants à Madagascar. En 2003, le régiment participe à l’opération des forces spéciales alliées ARES en Afghanistan. En 2011, le régiment quitte Dieuze pour le camp de Souges, près de Bordeaux.
« Régiment du renseignement humain, le 13° RDP est devenu un outil exceptionnel, capable de renseigner dans un monde complexe. C’est une unité exigeante, discrète, et dont la principale richesse est sa
ressource humaine, que le régiment renouvelle et entretient avec le plus grand soin. Le professionnalisme, la rusticité, l’intelligence de situation, l’imagination, la force morale et l’humilité ont amené le régiment à son niveau d’aujourd’hui. C’est sans doute en entretenant ces valeurs que le régiment pourra relever les défis du futur ».
Cette conclusion de Jean-Dominique Merchet ne peut qu’encourager les candidats à l’engagement. 

Georges GUGLIOTTA, Le Général de Galliffet. Un sabreur dans les coulisses du pouvoir 1830 – 1909, Bernard Giovanangeli, 2014, 348 p., 23 €
par Michel LOUSTAU
Auteur d’une thèse d’Etat sur le général Courtot de Cissey, Georges Gugliotta fait revivre dans cet ouvrage préfacé par le Pr. André Martel, la figure fascinante et controversée du général marquis Gaston de Galliffet, prince de Martigues. Issu de la noblesse légitimiste, engagé en 1848 au 1er hus- sards, il passe en 1849 au 10e chasseurs à cheval. Grâce à sa sœur Marguerite, épouse d’un ami de Fleury, il entre comme sous-lieutenant au régiment des guides de la Garde impériale en 1853. Le cercle de l’Union, le « Grand Seize » du Café Anglais et le dîner Bixio n’auront pas de plus fidèle habitué. En 1854, sa sœur, outrée de le voir envisager de convoler avec une demi-mondaine, obtient de Napoléon III son envoi en Crimée, d’où il ramène, grâce à une conduite héroïque, la Légion d’honneur. De retour à Paris, il multiplie à nouveau les frasques dans les milieux à la mode, et souvent interlopes.
Après les spahis de Mascara et Solferino, il est nommé capitaine et -poste envié- officier d’ordonnance de l’Empereur. Il épouse Florence, fille du banquier Charles Laffitte, qui lui donnera une fille et deux fils. Mais sa liaison tapageuse avec Cora Pearl suscite l’ire de l’Empereur qui l’expédie au Mexique.
Le 29 Avril 1863, devant Puebla, il reçoit une grave blessure qui donnera naissance à la légende du « ventre d’argent ». Chef d’escadrons au 1er hussards en 1864, lieutenant-colonel au 6e l’année suivante, il retourne au Mexique pour remplacer Du Pin à la tête de la contre- guérilla des Terres Chaudes. Colonel du 8e hussards en 1867, il se bat en duel avec Achille Murat. Le maréchal Niel veut sévir, mais Napoléon III, qui le connaît si bien et apprécie son caractère enjoué, lui sauve la mise en l’envoyant commander le 3e chasseurs d’Afrique à Constantine en 1868.

L’heure du sacrifice va sonner dans la cuvette de Sedan, le 1er Septembre 1870. Le général Margueritte, chef de la 1ère division de réserve de cavalerie ( 1er et 3e RCA , 4e RCA , 1er RH et 6e RCC ), mortellement blessé à la mâchoire, passe devant ses « Africains » en montrant l’ennemi de la main. Galliffet, promu brigadier la veille, charge à trois reprises, arrachant cette exclamation au roi Guillaume : « Oh ! Les braves gens ! ». La division a perdu 1.081 cavaliers sur 2.408. « Tant qu’il en restera un », la réponse de Galliffet à Ducrot, est gravée sur l’insigne du 3e chasseurs d’Afrique.
Après ce désastre, dont Galliffet tiendra rigueur à Napoléon III, vient la guerre civile. Chez lui pas d’attachement dynas- tique, mais l’amour de la patrie et de son armée : il servira la République sans état d’âme. Thiers lui confie une brigade de chasseurs à cheval du 1er corps de Ladmirault. Sa répression spectaculaire –et souvent mise en scène- de la Commune lui vaut le surnom durable de « fusilleur » et celui « d’assas- sin», tandis que Vinoy et de Cissey, qui ont fait exécuter plus de communards que Galliffet, se gardent bien, eux, de s’en glorifier. Après un séjour à Batna et une expédition au Saha- ra, il commande une brigade puis une division d’infanterie. Ami fidèle de Léon Gambetta, il prend le commandement du 9e corps de Tours en 1879, puis celui du 12e corps de Limoges en 1882. Auteur du « Règlement sur les exercices et les manœuvres de la cavalerie », il publie en 1885 avec un député « L’armée et la démocratie » où il défend le service de sept ans et le remplacement. Farouche adversaire du Bou- langisme, il imprime sa marque à la cavalerie et dirige pour la dernière fois les grandes manœuvres en 1894.
Waldeck-Rousseau, qui le connaît et l’estime, lui offre en 1899 le portefeuille de la Guerre. Il rétablit l’ordre dans une armée secouée par l’Affaire Dreyfus (« L’incident est clos »), fait prévoir les crédits pour 2.000 pièces de 75, prophétise le rôle futur de l’automobile et fait adopter le projet d’organisa- tion de l’armée coloniale. Mais ses relations se tendent avec le président du Conseil et il démissionne le 22 Mai 1900, en pleine séance de la Chambre. Le 8 Juillet 1909, il rejoint pour l’éternité ses cavaliers tombés à Floing. A la messe de funé- railles, une seule couronne, immense, barrée d’une écharpe blanche portant un W : Wilhelm II, Deutscher Kaiser. Passion- nant et bien écrit, sur un grand soldat et un grand Français en dépit de sa sulfureuse réputation, ce livre restera par sa rigueur et son honnêteté, un modèle de biographie militaire. 
 
Catherine HOREL L’amiral Horthy, le régent de Hongrie, Perrin, 2014, 480 p., 25 €
par Michel LOUSTAU
Né en 1868 dans une famille de la noblesse rurale, Miklos Horthy est l’un des rares Magyars officiers de marine. Sportif, polyglotte, bon cavalier, il devient en 1909 l’un des quatre aides de camp de l’empereur François-Joseph dont il partage le goût de la chasse et peint le portrait. Commandant du croiseur cuirassé « Novara», il est blessé lors de la bataille du canal d’Otrante le 15 Mai 1917. En Février 1918, à la suite de la mutinerie de la base navale de Cattaro (Kotor), Charles Ier, le nouvel empereur, bouscule la hiérarchie en nommant Horthy contre-amiral et commandant en chef de la flotte. Le 31 Octobre au matin, sur l’ordre du souverain, il reçoit à bord du navire amiral, le « Viribus Unitis », les délégués du conseil national yougoslave pour leur remettre la flotte impériale... et, dans la soirée, il est promu vice-amiral.
L’année 1919 est terrible pour la toute jeune République hongroise qui, envahie, affamée, subit la terreur rouge de Béla Kun. Les contre-révolutionnaires réunis à Szeged pro- posent, avec l’accord tacite des Alliés, le commandement de l’armée nationale à Horthy : à la terreur rouge va succéder une terreur blanche. Le 16 Novembre, il entre en vainqueur dans Budapest sur son cheval blanc de parade. Les Alliés rejetant la dévolution du pouvoir à un Habsbourg, l’amiral est élu régent le 1er Mars 1920 par l’Assemblée nationale... même si certains détracteurs disent assez méchamment qu’Horthy est la double incarnation du néant : amiral d’un pays sans accès à la mer, régent d’un royaume sans roi. Le traité de Trianon du 4 Juin enlève à la Hongrie 70 % de son territoire et 3 millions d’habitants. Devant une telle iniquité, tout Magyar patriote, au-delà de ses propres opinions, ne peut être que révisionniste...
L’échec des deux tentatives du roi Charles Ier, en Mars et Octobre 1921, conforte la position de Horthy qui savait que ni les Occidentaux ni la Petite Entente ne voulaient d’une restauration des Habsbourg. Son régime, autoritaire, chré- tien et conservateur, bénéficie de l’honnêteté personnelle et de la dignité de la vie familiale du régent. Cela dit, des lois antijuives sont adoptées par son gouvernement dès 1938- 1939, et il ne fait pas bon être démocrate ou franc-maçon à Budapest. Grâce aux accords de Munich, la Hongrie récu- père le sud de la Slovaquie et une partie de la Ruthénie Sub- carpathique ; elle reçoit la partie restante en Mars 1939. Le second arbitrage de Vienne d’Août 1940 lui attribue le nord de la Transylvanie. Ces succès la lient au camp de l’Axe, et elle réoccupe en Avril 1941 la Baranya et la Bacska.
A partir de 1943, conscient de l’évolution du conflit mon- dial, Horthy envisage de sortir de la guerre. En Mars 1944, pendant son entrevue avec Hitler, les Allemands occupent Budapest et commencent à déporter les Juifs. Le 17 Octobre, le régent et sa famille sont transférés en Allemagne, tandis que Ferenc Szalasi et les Croix-Fléchées arrivent au pouvoir. Détenu en 1945 à Nuremberg, l’amiral est ensuite libéré, (...) car ni les Américains ni Staline ne tiennent à le faire passer en jugement. Il part en 1949 pour le Portugal avec ses proches et s’établit à Estoril où il meurt en 1957.
Depuis 1990, les autorités, l’opinion et les historiens hon- grois ont effectué un réexamen, et parfois une réhabilitation, de l’action du régent. Ses restes ont été officiellement rame- nés dans la crypte de son village de Kenderes en 1993.
Cet ouvrage, qui contient deux cartes, des notes, une biblio- graphie et un index comble une lacune sur un homme d’Etat peu connu des Français mais qui mérite de l’être. 

Sous la direction de Sébastien Denis et de Xavier Sené, «Images d’armées. Un siècle de cinéma et de photographie militaire» (1915-2015), Ministère de la Défense-CNRS Editions, 2015, 280 p., 39 €
par José MAIGRE
Images au service de l’armée ? Voire « Cinéma d’État » au service du politique ? Mise en scène ou images saisies sur le vif ? Œuvre de fiction ou documentaire ? Pure propagande ou analyse honnête ? Que de questions récurrentes sur les productions de ce média qui dépend du ministre de la Dé- fense depuis ses origines et a couvert toutes les guerres aux- quelles ont participé nos soldats : les deux conflits mondiaux d’abord, mais aussi l’Indochine ou l’Algérie pour ne citer que les plus marquants. Plutôt que de surfer sur de telles interro- gations, certes légitimes, félicitons-nous de posséder un tel réservoir d’images -fixes ou animées- qui sont un véritable trésor mémoriel à la disposition des chercheurs et des autres médias, presse, télévision ou cinéma, et, bien sûr, mainte- nant internet et ses incontournables sites.
Depuis la première guerre mondiale, les armées françaises se sont dotées des structures et des outils leur permettant de produire leurs propres images des conflits et des com- battants. Créées en 1915, les sections photographique et cinématographique de l’armée, puis les célèbres SCA (ser- vice cinématographique des armées) et ECPA (établissement cinématographique et photographique des armées) sont les prédécesseurs de l’Établissement actuel de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), situé au fort d’Ivry.
Ce livre interroge avec pertinence l’histoire et les sources visuelles ou archivistiques du cinéma et de la photographie aux armées depuis leur apparition pendant la Grande Guerre jusqu’aux engagements dans les conflits les plus récents. Les chercheurs qui signent les différents chapitres analysent aussi le temps de paix et la mise en scène du lien armées-na- tion. Ils accordent également une place importante aux opé- rations extérieures en examinant, en particulier, le rôle des soldats et officiers chargés d’en donner une image interne ou publique. Les grands noms des photo- graphes et des cinéastes qui ont contribué par leurs reportages au rayonnement de ce précieux outil sont évoqués chemin fai- sant dans des fiches plus personnalisées.
Au total, ce bel album, superbement illustré –comme de juste- nous offre une plongée exceptionnelle dans le patrimoine
historique de l’ECPAD. Il a reçu le 1er prix d’histoire militaire de la ville de Saint-Cyr-l’Ecole en juin dernier. 


Jean-Philippe Cénat, Louvois, Le double de Louis XIV, Tallandier, 2015, 25,90 € par Alain J. ROUX
Cet ouvrage a le mérite d’essayer de reconstituer la figure complexe de François-Michel Le Tellier, futur marquis de Lou- vois (1641-1691). Un peu plus jeune que Louis XIV, il fut, avec Colbert, l’une des figures caractéristiques du Grand Siècle. Fils d’un homme puissant, le futur chancelier Le Tellier, Lou- vois, ministre dès son jeune âge, redoutable par ses capa- cités de travail et sa position très proche du Roi-Soleil, fut admiré et souvent détesté par ses contemporains. Utilisant les masses de documents conservés, quelquefois contradictoires, l’auteur brosse une figure équilibrée d’un homme qui pendant un quart de siècle a eu des fonctions plus variées qu’on ne le croit, et des responsabilités considérables. Jean- François Cénat a choisi de traiter par chapitre des sujets cohérents, plutôt que rédiger une biographie classique et chronologique.
Le lecteur doit donc connaître la trame du règne et des prin- cipaux événements pour se retrouver dans ce foisonnement. La première chose qui apparaît est l’importance des clans qui veulent capter l’appui du roi alors que celui-ci joue avec maîtrise de leurs compétitions ; les clans Colbert et Le Tellier s’opposent, et quelquefois s’allient, tout au long du règne. La deuxième, qui est la plus connue, est la prééminence de Louvois dans les affaires militaires. Son importance dans l’or- ganisation des armées, à l’exclusion de la Marine Royale, est primordiale; il s’entoure d’hommes de très grande qualité dont Vauban est le plus célèbre. Après la mort de Colbert, en plus des Postes, il récupère la Surintendance des Bâtiments. Les chapitres sur les dévastations du Palatinat et sur la ré- vocation de l’Edit de Nantes sont d’autant plus intéressants qu’ils nuancent les responsabilités qui lui sont encore prê- tées. La description de la guerre contre la Hollande est à la fois simple et instructive. Homme le plus puissant de France après Louis XIV, il est à la tête d’une vaste clientèle, d’une fortune considérable et d’un immense empire administratif : il n’a cessé d’empiéter sur les attributions de ses collègues et exercé une puissante influence sur la politique étrangère de la France à l’apogée de l’Absolutisme royal.
Sur des sujets supposés connus ce livre apprend énormément. Il faut le lire intégralement. 
Histoire Militaire et stratégies comparées. Lettre d’information de la Commission Française d’Histoire Militaire (CFHM). Château de Vincennes, Tour du Diable, Avenue de Paris, 94306 Vincennes Cedex. Courriels jose_maigre@yahoo.fr – jn.corvisier@wanadoo.fr
Directeur de publication : général Maurice Faivre (Président de la CFHM).
Equipe de rédaction : José Maigre (Bibliothécaire) et Jean-Nicolas Corvisier (Président d’honneur), rédacteurs-en-chef ; Michel Loustau (Secrétaire Général), colonel Rémy Porte (Administrateur).
Maquettiste : Isabelle Clauzel.
Rubriques : CONFERENCES de la CFHM : Michel Loustau, José Maigre ; CHRONIQUES MILITAIRES : Vincent Arbarétier ; NOTES DE LECTURE : Vincent Arbarétier, Maurice Faivre, Michel Loustau, José Maigre, Alain J. Roux.
CFHM

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