Ce rappel historique a été rédigé avec le concours du général Lafourcade et du colonel Hogard.
Maurice Faivre, le 10 mai 2014
Le Rwanda et la France. Chronologie sommaire.
- 1898 à 1962. Le Ruanda-Urundi est une colonie allemande dont le mandat est confié à la Belgique en 1923.
Soutien de la majorité hutue (84%) au détriment des Tutsis.
Tutelle de l'Onu en 1946 - Séparation en deux Etats en 1961, indépendance en 1962 et retrait de l'armée belge.
Le Rwanda, pays des 1000 collines, compte 7,9 millions d'habitants sur 26.338 km2 (la Belgique 30.500 km2).
Massacre de Tutsis par les Hutus en 1959. 120.000 Tutsis se réfugient en Ouganda.
- en 1962, rencontre de Gaulle avec président Kayaibanda - accords de coopération - mission d'aide en 1969.
- en 1973, le général-major Habyarimanana prend le pouvoir,
- en 1975, accord d'assistance militaire pour la gendarmerie avec Giscard d'Estaing,
- 20 juin 1990, discours Mitterrand à la Baule, pour la démocratie et le développement.
- en octobre 1990, offensive du Front patriotique (FPR créé en 1987) depuis l'Ouganda, dirigée par général Paul Kagamé (formé aux USA).
Appel du Président Habyarimana - Opération Noroît ( 2 puis 1 Cie du 8° RPIMA- 680h) dirigée par col. Thomann, évacue 313 ressortissants.
Malgré les tensions, la France se maintient et forme les FAR.
- 1992. Nouveaux massacres. Assistance militaire élargie à toute l'armée. Mise en place d'un DAMI (détachement d'assistance militaire).
- février 1993. Opération Volcan évacue 67 ressortissants.
- En mars. Opération Chimère ou Birunga (1er RPIMA, 70 h. sous col. Tauzin) bloque le FPR à la frontière de l'Ouganda
- en août 1993, accords d'Arusha sous l'impulsion de la France, en faveur du multipartisme. Retrait des soldats français.
Mise en place de 2300 h. de Minuar sous général canadien Romeo Dallaire.
- 6 avril 1994. Avion des deux Présidents abattu par un missile.
- 7 avril. Intervention du FPR depuis l'Ouganda et à Kigali. Minuar réduite à 200h. Gouvernement interimaire constitué.
Génocide (4 mois) 800.000 Tutsis et Hutus modérés, dénoncé par A.Juppé. Madame Albrecht refuse l'intervention ONU.
Opération Amaryllis (500 h. du 3°RPIMA, sous colonel Poncet), évacue 1400 ressortissants du 8 au 14 avril.
- 22 juin à 22 août 1994. Opération Turquoise ( 2500 h. Légion, 6° RG, RICM + appuis et 500 Africains) sous général Lafourcade,Zone humanitaire sûre permet de sauver des milliers de civils et d'éviter un exode massif des populations au Zaïre.
- 1994, retour théorique au multipartisme
- de novembre 1994 à 2010, le Tribunal pénal international (TPIR) prononce 40 condamnations et 6 acquittements.
- 1995 à 1997. Régime de terreur de Kagamé. Massacre de 400.000 Hutus, pillages au Zaïre (RDC).
- 1998. invasion du Zaïre par Kagame causant des millions de victimes.
- décembre 1998. Rapport parlementaire de Paul Quilès,
- 2006. Enquête du juge Bruguière concluant à la responsabilité de Kagame dans l'attentat.
Rupture des relations diplomatiques. La langue anglaise remplace le français.
- 2009. Réconciliation Kagamé- Guéant.
- avril 2014. Attaque virulente de Kagamé. Négations françaises. Annulation du déplacement de Taubira à Kigali (Kouchner remplace Taubira).
La crise franco-rouandaise de 2014
Arguments des accusateurs :
- rapport Mucyo (2008) accuse les soldats français d'assassinats, de viols et de formation de milices.
- Kagamé en avril 2014 : rôle direct de la France et de la Belgique dans la préparation et la participation au génocide,
- B. Kouchner : tout a été préparé avec le consentement de nos troupes.
- Patrick de Saint-Exupery, Mediapart, BHL, EELV.
Formation et soutien des FAR et du gouvernement intérimaire par la France.
Politique secrète de Mitterrand, Vedrine, Juppé, Lanxade et Thenoz, qui accusent le FPR d'agression extérieure.
Livraison d'armes aux génocidaires et transfert d'argent à la BNP.
Amaryllis reste l'arme au pied. Exfiltration au Zaïre de génocidaires. 1000 Tutsis non secourus par Turquoise à Bisesero.
Critiques nuancées :
- Giscard le 7 juillet 1994 : qu'est-ce qu'on va faire face aux Tutsis?
- Sarkozy en 2010 reconnaît des fautes politiques,
- général Tauzin, politique incohérente et sans continuité. Intervention trop tardive face au génocide.
- capitaine Guillaume Ancel, retraité, prétend en avril 2014 que le but de Turquoise n'était pas humanitaire,
mais agressif contre Kagamé.
- Le rapport Quilès (1998) expose de façon détaillée et convaincante toute l'affaire du Rwanda. Il justifie les opérations militaires,tout en reconnaissant une erreur de jugement politique face au gouvernement rwandais.
Mises au point d'avril 2014.
- Alain Juppé dénonce la falsification de l'histoire par Kagamé et affirme que tout a été fait pour la réconciliation.
Les seules zones d'ombre concernent les responsables de l'attentat contre l'avion présidentiel.
- Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, réfute toute complicité de génocide.
Il n'y a pas eu d'engagement direct dans la lutte pour le pouvoir. Le rapport Quilès a clos le débat.
- Le général Lafourcade rappelle que l'armée s'est retirée en 1993 après 3 ans d'assistance aux FAR.
Lors de Turquoise, l'intelligence de la situation imposait une attitude impartiale :
ne pas soutenir les FAR et ne pas attaquer le FPR.
Les responsables du génocide se sont repliés au Zaïre avant notre arrivée.
Des dossiers judiciaires ont été établis contre les "seconds couteaux".
Le bilan humanitaire a été salué par les médias et par l'opinion internationale.
Eprouvés par l'horreur des massacres, nos soldats ont été fiers d'avoir sauvé la population.
- Le colonel Hogard confirme le déclenchement de l'offensive FPR dans la nuit du 6 au 7 avril 1994,
sous la responsabilité de Kagamé, qui n'a cependant pas affronté nos unités.
Les exilés tutsis accusent Kagamé. Les anglo-saxons ne le soutiennent plus.
Pour Bisesero, je ne peux dire qu'une seule chose de certaine : j'étais auprès du colonel Rosier (patron du Gpt COS)lorsqu'il a appris par un CR radio oral, le 30 juin de mémoire, la découverte des survivants tutsis de cette localité.
Je l'ai vu aussitôt réagir comme l'aurait fait tout officier français digne de ce nom : il s'est rendu immédiatement sur place en hélicoptère, tout en lançant sans attendre l'organisation des secours venant de Goma et de Bukavu.
Laisser dire qu'il aurait pu couvrir une ignoble « opération de retardement » visant à faire massacrer en toute impunité quelques centaines de malheureux Tutsis supplémentaires est tout simplement indigne et faux.
Il suffit d'ailleurs de rencontrer une seule fois le général Rosier dans sa vie pour s'en convaincre sans difficulté !
- Hubert Vedrine, qui a joué un éminent rôle diplomatique, souligne que l'armement livré à l'armée rwandaise était destiné à la défense du pays contre la menace ougandaise et qu'il n'a pas servi au génocide.
Mitterrand favorable à la paix, a arbitré le différend entre Juppé et Léotard en faveur de l'intervention française.
- Bernard Lugan, expert auprès du tribunal international, souligne que le missile SA7 qui a abattu l'avion présidentiel provient d'un stock livré par les Russes à l'Ouganda, où servait Kagamé. Les FAR n'avaient pas de missiles anti-aériens.
- Le camp Kanombé n'a pas été le sanctuaire de la garde présidentielle.
- l'amiral Jourdier rappelle que des opposants à Kagame ont été assassinés en Afrique du S ud,
et que les Etats-Unis se sont opposés à une enquête sur l'attentat du 6 avril 1994.
- selon Pierre Péan, Kagame est responsable du génocide; il y eut davantage de victimes hutus que Tutsis.
- L'ASAF note que Kagamé masque ses exactions.
Le président Hoillande n'est pas intervenu alors qu'il s'agit de l'honneur de la France.
Il faut en RCA éviter toute accusation (pas de bavure).
- L'universitaire Serge Dupuis, dans un excellent article de la revue de la Fondation Jean Jaurès de mars 2014,
explique très bien la raison des accusations contre la France et son armée :
« L’image de lui-même que le FPR s’est appliqué à construire au fil des années,
avec une constance et une efficacité remarquable, se nourrit de diabolisation et de manichéisme à la fois. Face aux organisateurs du génocide tutsi, il ne saurait y avoir qu’un camp de victimes, homogène, immaculé, incontesté.
Un camp comprenant les centaines de milliers de morts tutsis, naturellement, mais également et surtout,
leur défenseur et champion, le FPR. C’est le fondement du pouvoir de celui-ci, le gage de sa permanence
à la tête de l’Etat rwandais en même temps que sa respectabilité internationale.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la stigmatisation collective dont est victime la communauté hutue au Rwanda. C’est le sens qu’il faut donner à la diabolisation extrême que l’on fait peser sur la France. »
- Général Didier Tauzin (1911-1912). Le rapport Mucyo et son soutien par le parti de l'étranger (Assoc. Survie) sont inacceptables.
Carte du général Lafourcade
Je suis étonné, pour un travail d'historiens, de vos imprécisions et plus encore de votre parti pris.
RépondreSupprimerVous ne citez que la version défendue par ceux qui ne pourront jamais en témoigner objectivement puisqu'ils assument depuis 20 ans cette fiction politique d'une intervention humanitaire.
Vous pourriez compléter votre "rappel historique" par les témoignages de terrain qui sont incompatibles avec la version officielle de cette opération Turquoise, comme celui de Thierry Prungnaud ou le mien.
Enfin, puisque vous citez les grades de fin de carrière des protagonistes, merci de corriger le mien, je suis lieutenant-colonel....
Cordialement
Guillaume Ancel