Extrait
de Le modèle occidental,
Paris, Economica, 2007 ;
La
première guerre mondiale de religion se fait contre et sans
l’Occident 2001- ?
Le
11 septembre 2001 voit un mouvement islamiste sunnite wahabite
détruire au moyen d’avions de ligne détournés les deux tours
géantes du World Trade Center à
New York et le bâtiment du Pentagone, cœur de la puissance
militaire US, à Washington. Même aux pires moments de la Seconde
guerre mondiale, ni l’Allemagne, ni le Japon n’ont été capables
de frapper au cœur de l’Amérique. C’est la conséquence d’une
déclaration de guerre sainte déclarée en février 1998 à partir
de l’Afghanistan par le mouvement Al
Qaeda. Il s’agit d’une
Organisation Non Gouvernementale du terrorisme islamique dirigée par
le millionnaire saoudien Ousama Ben Laden, a démontré qu’avec des
moyens réduits, elle était capable de lancer une guerre mondiale
par l’extension de ses frappes. De Bali à Washington, une cohorte
d’attentats frappent les Etats occidentaux, musulmans et africains.
A l’action d’Al Qaeda,
qui est une mouvance et un mouvement, s’ajoutent les innombrables
guérillas islamistes : GIA en Algérie, Tchétchènes aux
confins de la Russie, Taliban en Afghanistan et au Liban, Hammas en
Palestine, Hezbollah au Liban, Chiites en Irak, Moros aux
Philippines, islamistes du Londonistan... L’affaire des caricatures
de Mahomet par un journal danois, qui a représenté le Prophète
avec une bombe dans un turban, a donné naissance à des provocations
le représentant en porc et 80 chrétiens ont été tués dans le
monde musulman (hiver 2005-2006). A cette frappe mondiale contre
l’impérialisme US, l’Occident chrétien, les juifs et les
tendances musulmanes modérées, s’ajoute une capacité de
résistance dans le temps supérieure à la Wehrmacht.
L’armée des Etats-Unis, la première du monde, n’est pas
parvenue à retrouver Ousama Ben Laden et à éliminer les Taliban en
Afghanistan entre 2001 et 2006, soit une durée supérieure à la
Seconde guerre mondiale. Depuis 2003, l’Irak est militairement
occupé, son dictateur Saddam Hussein sous les verrous, mais les
Américains et leurs alliés britanniques ou autres ne parviennent
pas à pacifier le pays qui a un rythme d’attentats hebdomadaires.
Les alliés des Américains sont frappés sur leur territoire :
800 tués et blessés dans le métro de Londres en 2005. C’est donc
un nouveau type de guerre mondiale. Il se fait grâce à la
mondialisation qui permet des transports planétaires rapides et des
communications téléphoniques et informatiques immédiates, installe
quelques dizaines d’activistes, des milliers de sympathisants dans
des pays occidentaux où des millions de musulmans résident depuis
les années 1970. Si les racines de l’attentat du 11 septembre 2001
sont à rechercher dans la révolution islamique chiite en Iran dès
1979, qui a entraîné une vague d’attentats occidentaux dans les
années 1980 et dans les guerres israélo-arabes depuis 1949, c’est
bien une première guerre mondiale de religion qui impose son rythme
à l’Occident. C’était le contraire lors des deux premières
guerres mondiales où le monde arabo-musulman colonisé n’était
qu’un théâtre des luttes entre Occidentaux. L’adversaire
principal des islamistes sont les Etats-Unis, la seule grande force
occidentale qui tient l’Europe sous sa dépendance militaire à
travers l’OTAN et contrôle les relais politiques majoritaires dans
l’Union Européenne. Ils imposent à cette dernière son extension
à la Turquie géographiquement et historiquement contre-nature, mais
devant faciliter l’encerclement du monde arabe et propice à
affaiblir l’Europe. Les Etats-Unis baptisent officiellement cette
guerre GWOT (Global War on
Terrorism), littéralement
« guerre globale contre le
terrorisme ». L’adversaire
n’est nommé que par son mode d’action, un peu comme si la guerre
contre l’Allemagne nazie avait été surnommée « guerre
contre les Panzer ».
Néanmoins, ni l’IRA irlandaise, ni le FLNC corse ne sont concernés
par cette GWOT. Incapables de nommer précisement leur adversaire à
cause de l’idéologie de la Political
Correctness, les Etats-Unis et
leurs alliés occidentaux n’ont pu définir de stratégie efficace
contre. Alors que les Etats-Unis utilisent leurs forces armées à
l’extérieur, les Occidentaux utilisent leur police à l’intérieur
et traitent les combattants du Djihad
comme des droits communs sans reconnaître l’état de guerre. A la
confusion des idées s’ajoute celle des buts. Les Etats-Unis ont
tiré parti de l’agression du 11 septembre 2001 pour contrôler la
production pétrolière de l’Irak et avancer le projet d’un
oléoduc qui irait de la Caspienne au Pakistan via l’Afghanistan.
Ce positionnement encercle aussi l’Iran, puissance islamiste mais
surtout pétrolière et prétendant nucléaire. Cette confusion des
buts renforce moralement le terrorisme islamique et risque de se
retourner contre les Américains qui peuvent se révéler à la
longue incapables de contrôler les installations pétrolières.
Cette nouvelle guerre confronte matérialisme économique et
religion, de même que sur le plan des moyens elle affronte Goliath à
David. Les deux ont une prétention mondiale. A terme, l’islamisme
arabe se conjugue avec la révolution islamique iranienne qui,
installée depuis 1979, a des prétentions nucléaires, évoque
l’anéantissement d’Israël (2005) et refuse l’ultimatum de
l’ONU en la déclarant incapable de sanction (2006). Le 16
septembre 2006, le Pape Benoît XVI constate qu’au Moyen Age, la
religion catholique considérait l’islam comme belligène et attire
des incendies d’églises, des violences contre des chrétiens et
des menaces de mort contre lui ainsi que des demandes d’excuses
venant de pays musulmans, comme l’Etat laïc de Turquie. Il
présente des regrets, se prosterne dans une mosquée lors de sa
visite en Turquie dont il soutient désormais la candidature à
l’Union Européenne. Cette attitude traduit un changement radical
dans le rapport de forces millénaire entre les deux religions.
ANALYSE DES STRATEGIES COMPAREES ETATS-UNIS- ISLAMISTES
D’après
Philippe RICHARDOT, Les
Etats-Unis hyperpuissance militaire, 2e
édition remise à jour, Economica, Paris, 2005
ETATS-UNIS |
ISLAMISTES |
Posture :
contre-offensive
|
Posture :
offensive
|
Temps :
La
perspective d’une guerre longue ne dépasse pas dix ans ;
la brièveté du temps mesure la réussite. La durée émousse la
volonté combative et force au retrait
|
Temps :
La
maîtrise de la durée est la clé de la victoire ; le temps
mesuré n’a aucune importance
|
Idéologie :
joue
sur deux registres : (externe) lutte pour la démocratie
contre l’idée d’une guerre de religion/ (interne) défense du
judéochristinanisme
|
Idéologie :
Guerre
de religion Djihad
(guerre sainte)
|
Dispositif :
visible
militaro-policier
et judiciaire
|
Dispositif :
invisible
terroriste,
religieux et financier
|
Grande
stratégie :
Contrôle
planétaire par l’économie, l’information, les relations
diplomatiques bilatérales depuis la défection de l’ONU, la
maîtrise sur le pétrole, l’OTAN, l’hyperpuissance militaire
|
Grande
stratégie : Evincer
les Etats-Unis du monde musulman pour contrôler le pétrole du
Golfe et de la Caspienne. Etendre la religion musulmane à
l’Europe et l’Asie du Sud, pour obtenir des moyens
technologiques et industriels. Devenir la nouvelle puissance
planétaire
|
Stratégie :
directe
Surveillance
renforcée du territoire U.S.
Recherche
de l’appui international
Contre-attaque
militaire limitée sur les grands foyers d’islamoterrorisme :
Afghanistan et Philippines. Recherche d’une solution globale par
l’invasion de l’Irak. La maîtrise des gisements pétroliers
irakiens doit tenir l’Arabie et l’Iran. Ces derniers et la
Syrie situés dans la sphère d’intervention militaire U.S. sont
dissuadés
|
Stratégie : indirecte
Action
terroriste sur tous les continents pour: Faire sauter des verrous
(Algérie, Tchétchénie), attirer les Etats-Unis dans un piège
militaire de type Viêt-Nam, perturber l’économie de marché
(échanges aériens, assurances maritimes), freiner les flux
d’Occidentaux en direction des pays musulmans
|
Mode
Opérationnel :
Mobilisation
de la Garde Nationale
Surveillance
des aéroports et des points sensibles
Défense
aérienne accrue
Recherche
du Renseignement à l’intérieur et à l’extérieur
Procès
pour terrorisme
Projection
aéronavale
Infiltration
de Forces spéciales et bombardement aérien pour appuyer des
auxiliaires au sol en Afghanistan
Offensive
aéroterrestre en Irak et pacification
conjointe
à des auxiliaires et à des alliés européens
|
Mode
Opérationnel :
Offensive sur
plusieurs fronts :
-
1998= 2 attentats contre ambassades US au Kenya et en Tanzanie
-
septembre 2001= assassinat de Massoud en Afghanistan + attentats
multiples et simultanés aux Etats-Unis
-
octobre, décembre 2001= attentats contre le parlement de Srinagar
(Cachemire), puis contre le Parlement indien
-
octobre 2002= assassinat de deux GI’s U.S. au Koweït, attentat
contre un pétrolier français dans l’océan Indien, attentat
contre une discothèque en Indonésie, prise d’otages à Moscou
-
28 nov 2002 : attentats contre un appareil d’Elal au Kenya
et à en Israël
Guérilla
locale en terre musulmane
Refus
de la présence U.S. en Irak (chiisme)
|
Tactique :
Méthodes
policières et judiciaires
Utilisation
de munitions intelligentes et de communications performantes ;
principe du « zéro mort » dans le camp ami
|
Tactique :
Hyperterrorisme
(destructions massives) par commandos de kamikazes, explosifs ;
détournement d’avions, prise d’otages ou embuscades, attaques
contre forces de l’ordre, émeutes contre minorités religieuses
et assassinats ponctuels
|
Propagande :
maîtrise de l’information mondiale par CNN et les TV des pays
alliés
|
Propagande :
rendre dépendante l’infosphère occidentale d’apparitions
diffusées par Al-Djezira
|
Conclusion
L’Europe a lancé le modèle de la guerre
mondiale et fait de ses colonies les théâtres d’opérations
secondaires de ses conflits. L’Afrique, l’Asie comme l’Amérique
coloniale y ont été les spectateurs et les auxiliaires des luttes
européennes. L’arrivée du Japon comme compétiteur régional
asiatique a encore plus mondialisé la guerre dans la première
moitié du XXe siècle. Les deux guerres mondiales sont liées à
l’appétit de puissance allemand en Europe, mais si la première a
pour motivation le rang, la seconde est plus idéologique. Néanmoins,
le modèle de la guerre mondiale était lié à la puissance de
l’Europe occidentale. Les deux guerres mondiales, résultat de la
puissance européenne, ont cassé cette même puissance et rejeté
l’Europe à la périphérie de l’Occident. La Seconde est la plus
grande et sans doute la dernière mondiale qui obéisse au schéma
occidental. Après 1945, la Guerre froide définit un monde
bipolaire, mais les conflits armés y deviennent secondaires et
non-européens car la bombe atomique pousserait la lutte au suicide
mutuel. Dans cette Guerre froide, l’Europe n’est plus qu’un
enjeu entre les Etats-Unis et l’URSS. Néanmoins, comme pour les
deux guerres précédentes, ce sont les nations les plus riches et
les plus démocratiques qui l’emportent. La fin de l’URSS,
ramenée à la Russie en 1991, rend la guerre interethnique possible
en Europe balkanique et laisse la place libre pour d’autres
compétiteurs à la domination mondiale, mais qui ne sont plus,
contrairement au modèle occidental, des Etats-nations et dont le
motif n’est ni le rang, ni la richesse, mais la religion islamique.
Loin de mener la danse, l’Occident est devenu une cible dans une
guerre qu’il ne comprend pas. Les perturbateurs de la paix mondiale
ne sont plus les Allemands et les Soviétiques comme au XXe siècle.
Née de la conception occidentale des relations diplomatiques, et
contrairement au précédent de la SDN, l’ONU tient le coup,
peut-être parce qu’elle ne condamne pas les « Grands »
et ne s’est jamais attaqué qu’aux « petits ». La
guerre reclasse les puissances.
LA GUERRE MONDIALE RECLASSE ET
DECLASSE L’OCCIDENT
Période
|
Situation de l’Occident
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Guerres dynastiques et
thalassocratiques
1715-1815
|
L’Europe est le centre
d’impulsion tandis que le reste du monde forme un théâtre
secondaire d’opérations
|
Première guerre mondiale
1914-1918
|
L’Europe est le centre
d’impulsion de la guerre mondiale mais la solution vient des
Etats-Unis
|
Seconde guerre mondiale
1939-1945
|
L’Europe est le centre
d’impulsion de la guerre mondiale mais le Japon forme un pôle
secondaire et la solution vient des Etats-Unis et de l’URSS
|
Guerre froide 1947-1991
|
L’Europe est à la périphérie
de l’Occident dont les Etats-Unis sont devenus le centre
|
Première guerre mondiale de
religion
2001- ?
|
Les Etats-Unis sont le centre de
l’Occident et du monde tandis que l’Europe reste la périphérie
de l’Occident et cherche à casser son modèle pour une
Euroméditerranée
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