Casoar. Le
politique et le militaire.
Avril 2014.
En
présentant ce numéro exceptionnel du Casoar, le général Delort
souligne que le politique et le militaire ont chacun leur rôle,
chacun leur mission, ensemble dans le même but,
et que leur coopération est actuellement facilitée par la
confiance que la nation accorde à l'armée (sondage favorable de 79%
en janvier).
Le
professeur Vial note d'abord le caractère paradoxal du pouvoir
militaire, dérogatoire à la démocratie, alors qu'il va de
pair avec la tradition d'apolitisme de l'armée. Il propose
ensuite un historique des relations entre le politique et le soldat,
qui ont évolué entre plusieurs modèles :
-
la tradition
absolue
ou intégrale qui considère l'armée comme un outil entre les mains
du politique; c'est la conception de la Convention qui ne veut "point
de généralissime",
de la républicanisation
de l'armée qui fait suite à l'affaire Dreyfus,et de la reprise en
main après le putsch de 1961,
-
la tradition relative qui est
celle du 19ème siècle et de 1914, où le chef militaire dispose
d'une large autonomie dans la conduite de la guerre, selon le
concept de Jomini et la pratique de Joffre et de Clémenceau,
-
la tradition réaliste
où à la suite des échecs coloniaux, il y a partage
desresponsabilités, grâce au Conseil de défense conforme au
concept de Clausewitz, et à l'accroissement des responsabilités
du Chef d'état-major des Armées (CEMA).
Dans
ce cadre général, deux anciens CEMA (Lanxade et Georgelin) font
état des relations qui se sont établies entre le CEMA et
le Président. Alors qu'avant 1990 les décisions d'intervention
extérieure étaient prises par le Président en liaison avec
son chef d'état-major particulier (CEMP), lors de la guerre du
Golfe en 1991, un Conseil de guerre journalier s'est tenu avec les 4
chefs d'état-major. Le CEMA, devenu la seule autorité
opérationnelle a créé des organismes adaptés : DRM, COIA, COS. A
partir de 1992, un conseil restreint se tient le mercredi avec
le Président chef des Armées, le Premier ministre, les
ministres des Affaires étrangères et de la Défense, le
CEMA et le CEMP. Cette évolution a permis la prise de
décisions rapides et l'arbitrage nécessaire en cas de
positions divergentes ( réticences de Léotard et de
Chevènement). Les responsabilités du CEMA ont à nouveau été
élargies par les décrets de 2005,
confirmés
en 2013 après quelques hésitations.
Le
professeur Louis Gautier de la Fondation Jaurès confirme que les
relations civilo-militaires se sont apaisées. Le poids des
militaires s'est accru et les gouvernements de gauche ont
pris les principales décisions d'intervention et engagé certaines
réformes.
Le
député Larrivé souhaite que soient respectées les prérogatives
respectives de chacun ; le député Bacquet défend la
spécificité militaire et le
général Bentegeat souligne que le principe cedant
arma togae reste la règle, sauf
en cas d'ordre illégal; le militaire doit tenir son rang. Cependant
le général Cot observe que certains chefs font carrière en
évitant de contredire le ministre.
Les
généraux Georgelin et Desportes définissent les principes qui
doivent guider l'action des militaires : le principe de précaution
impose que les capacités militaires soient suffisantes, le principe
d'autonomie que le chef dispose de sa liberté d'action. Alors
que souvent les objectifs des politiques sont ambigus et, à court
terme, ceux des militaires sont clairs, concrets et à long terme.Le
général Georgelin estime que le CEMA n'est pas un directeur
d'administration comme un autre; son domaine d'action est plus
large que "le coeur du métier",
auquel certains cabinets civils voudraient le limiter; les ressources
humaines, les finances et les relations internationales sont
aussi de sa compétence.
C'est
l'avis de l'amiral Lanxade qui estime que le transfert des
Ressources humaines au SGA est une grave erreur; l'efficacité
opérationnelle dépend en effet de la mise en condition des forces,
qui est une responsabilité du commandement.
Le
général Cot partage le même point de vue; il considère scandaleux
que l'on confie à des fonctionnaires peu compétents des
responsabilités telles que le SGDN, la DGSE, la DICOD, le DPSD et la
revue de Défense nationale. Le général Desportes rejoint ces
critiques en observant les impasees capacitaires de notre
système de défense.
Maurice
Faivre, le 11 mai 2014
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